René TRESSARD

UN AUTHENTIQUE HEROS DU PEUPLE

René TRESSARD est né à Quimper le 19 Octobre 1919. Sa mère l’éleva seule après le décès prématuré de son mari, dans des conditions matérielles extrêmement pénibles. Dans la rue de Pont l’Abbé à QUIMPER, ses anciens amis et voisins ont conservé le souvenir de cette femme admirable qui avait un fils unique fauché en pleine jeunesse pour que son pays soit libre.
Elève studieux à l’école communale de son quartier (Jules FERRY), il fut un jeune homme brillant. Le difficile concours d’entrée à l’Ecole Normale en 1937 fut un succès et sûrement une des plus grandes joies de sa mère. Dès 1938 il avait pressenti la lourde menace qui allait peser sur notre pays : la montée du nazisme à nos frontières. Ses anciens condisciples, Daniel TRELLU, Louis LOZACHMEUR, Henri CARIOU, Roger NEDELEC et Guillaume LABAT son professeur, se souviennent de René comme un élève d’une vive intelligence, d’une ardeur au travail.
Membre des Jeunesses Communistes, avec Daniel TRELLU (futur Lieutenant-colonel CHEVALIER, chef départemental des F.F.I.-F.T.P.F.) ils préparaient ce qui deviendra un mouvement de résistance dès 1940.
Mobilisé en Juin 1940, il connu le honteux armistice et l’occupation allemande sous le régime de Vichy.
Démobilisé il fut affecté à l’école de PLOBANNALEC-LESCONIL puis au titre de l’année scolaire 1941-1942, il fut nommé à l’école publique de PLEUVEN. Il remplaça un instituteur du nom de Jean HASCOET qui devint un ami. René fut le garçon d’honneur de Jean HASCOET au mariage de sa collègue institutrice de l’école de Pleuven, Jeanne LEYDE.
René avait conservé des liens très étroits avec ses camarades des Jeunesses Communistes. Il participe à la propagande résistante en transportant et en diffusant les tracts et journaux clandestins. L’organisation spéciale (O.S) est créée le 30 Octobre 1940 sur le principe de « Triangle » : 3 personnes en étroite relation entre-elles et se réunissant dans la nature. Chacune est rattachée à deux autres et ainsi de suite…Ce cloisonnement est indispensable pour la sécurité de tous. C’est Robert BALLANGER qui est l’envoyé spécial en Bretagne du P.C.F pour la mise en place du réseau à Quimper. C’est aussi le premier groupe de résistants à avoir été homologué à La Préfecture. L’organisation (O.S) a comme correspondant, Emile LE PAGE (fusillé le 8 Juillet 1942), Pierre JOLIVET (fusillé le 5 Juin 1942), René TRESSARD (arrêté dans sa classe en Octobre 42, déporté à Buchenwald et disparu), André QUINIOU, fonctionnaire des impôts (arrêté en Juin 1942, mort sous la torture). Pierre JOLIVET et Emile LE PAGE étaient fonctionnaires des P.T.T à Quimper, André QUINIOU fonctionnaire des Impôts. La résistance se structure sous le nom de « Front National » autour des militants communistes. Dès la création des F.T.P.F en février 42 (Charles TILLON – commandant), il s’engage et devient le responsable du groupe dans son secteur. Avec ses camarades communistes, Noël JEZEQUELLOU et Fernand LE GOFF, ils forment le triangle de l’organisation communiste illégale dans le secteur de FOUESNANT. Les chemins creux étaient des lieux de rendez-vous discrets, où l’on pouvait surveiller le voisinage. Les actions communes du secteur se décideront lors de fréquentes rencontres avec Jacob QUILFEN, résistant F.T.P. à FOUESNANT.
Aux fêtes, dans la salle « MAHEC », derrière l’actuelle crêperie St MATHURIN, Pierre NEDELEC de la Compagnie F.F.I BEDERIC se souvient de ce camarade à l’esprit vif, qui savait communiquer sa foi à la résistance à son auditoire.
L’école communale de PLEUVEN était composée de 4 classes à deux sections. René avait « les grands » 30 garçons et filles. Madame PENNEC assurait la fonction de directrice en l’absence de son mari prisonnier.
Des anciens élèves se souviennent :Thérèse LARZUL-LE FLOCH (Kercou) avait dix ans , Pierre CALVEZ et Aline CALVEZ-CALVEZ (Kergrédo), 12 ans , Louis RENOT, Geneviève CARIOU-QUEAU , Roger CARADEC, Annick DUVAIL-LE LOUPP, Louis COLLIOU et Madeleine LAHUEC-COLLIOU, Marcel COSQUERIC, Pierrot DUVAIL, Ernest LE LOUPP, Thérèse L’HARIDON-COSTIOU, Anna BODIVIT-CARONI, Aline LE DREAU-LE DEON (Prajou), Simone COATMEN-JAOUEN, Annick COATMEN, Louis LANNURIEN, Marie MORVAN-LABORY (Prajou), Thérèse TOLLEC-CALVEZ,Françoise NADER, Jean GUERROT, Alain BERROU, Geneviève CARIOU, les deux frères LECLERC, Pierre Rivière, tous de Pleuven ; Henri JAN de Bénodet ; Eliane HERLEDAN-LARZUL de Gouesnach ; Simone BOURHIS–NADER de Clohars-Fouesnant, Eugène LARZUL de St Evarzec , Georges RICHARD, Jean SIZORN, Alain BERROU, etc ……..

Le réseau était sous haute surveillance policière et tout bascule le 3 octobre 1942.
Dénonciation (?), manque de prudence (?).
L’élève Thérèse LARZUL montrait son cahier à l’instituteur, quand « Madame PENNEC, pâle, a ouvert la porte de la classe de son collègue René. Elle était encadrée par deux hommes qui l’ont fermement écartée. Ces personnes se sont dirigées vers l’instituteur qui se tenait debout sur l’estrade face à sa classe. Après quelques mots échangés, René TRESSARD a fait le geste de retirer sa blouse grise pour mettre sa veste. Un seul geste l’intimant de les suivre et notre cher instituteur est sorti encadré par sa garde rapprochée. Deux hommes de la police s’exprimaient en français, portaient une tenue civile et chapeau mou. Dans la cour de l’école, des hommes portant un uniforme et armes, ont entouré le groupe immédiatement .Ses élèves ne devaient plus jamais revoir leur instituteur .Après la sortie de Monsieur TRESSARD, Madame PENNEC est revenue dans notre classe, bouleversée et elle nous a demandé de rassembler nos affaires car la classe était finie. Dans la mémoire des enfants qui ne comprenaient pas ce qui se passait, l’instituteur allait être interrogé et revenir plus tard .Mais la veste de leur instituteur est restée accrochée au dossier de la chaise très longtemps dans la classe : personne ne voulait la retirer et la suspendre ailleurs.».
Deux commissaires de police appartenaient à la 13ème brigade mobile de Police Judiciaire dépendant de Rennes, William MITAINE (de Lorient) et Jacques MOREAU (Quimper) se sont attribués l’arrestation de René TRESSARD. Ils se faisaient aidés pour cette chasse aux « terroristes » de la police municipale et spéciale de Lorient, de Quimper et des sections de gendarmerie de Lorient, de Quimper en vertu d’une commission rogatoire délivrée par le juge d’instruction HERVE à QUIMPER. L’enquête avait débutée par la surveillance des groupes recrutés parmi les jeunesses communistes. René TRESSARD avait des relations très étroites avec André QUINIOU qui assurait la liaison entre le « Front National » et les « Jeunesses Communistes ». André fut arrêté en Juillet 42 et torturé par les sbires de la police spéciale de QUIMPER puis de LORIENT. Une foule accompagnait André QUINIOU lors de ses obsèques. Un autre triste personnage a pour nom Généreux SOUTIF ; commissaire régional de la police spéciale, il fut arrêté par Daniel TRELLU « Lieutenant-colonel FTP-FFI » et placé en détention à la prison de Mesgloagen-Quimper. Sans doute possédait-il un dossier compromettant pour des personnalités locales, régionales….. son transfert sur ordre politique à la Préfecture de police de PARIS l’a soustrait à un jugement qui l’aurait sûrement condamné. Le Lieutenant-colonel Daniel TRELLU s’est rendu à PARIS pour « le récupérer » dès qu’il a eu connaissance de ce fait…..mais disparu, Généreux SOUTIF a « sauvé » sa tête et ses dossiers.

L’instituteur René TRESSARD fut conduit sans ménagement à la boulangerie d’Ernest BOURHIS située sur la place de l’église (act .Crêperie St MATHURIN) et son interrogatoire commença immédiatement .Le commerce est fermé. Les paroles de Madame BOURHIS ont été plus tard « Pauvre Monsieur TRESSARD, ils l’ont battu, battu, battu que c’était une pitié de le voir après……. ».
Torturé sans n’avoir jamais parlé, il sauva son réseau qui pourra sous d’autres formes continuer son combat. Incarcéré à Mesgloaguen à QUIMPER (sur le registre, il était noté comme « passager » et dans la colonne « crimes et délits », la mention « ordre administratif »), il connut par la suite les prisons de RENNES, POISSY, MELUN, CHALONS-SUR-MARNE, COMPIEGNE. Livré aux autorités allemandes, il fut déporté au camp d’extermination de BUCHEWALD (1944).
En Avril 1945, les nazis commencèrent à évacuer les camps en entassant les prisonniers dans des wagons à bestiaux (contenance 40 chevaux). René fut dirigé avec ses camarades vers ELRICH (THURINGE) dans des conditions effroyables. Le convoi est resté en zone surveillé dans la gare d’ELRICH plusieurs jours. Les déportés entassés vont connaître la soif, la faim, la misère physique et beaucoup mourront d’épuisement dans cette gare perdue. L’instituteur de PLEUVEN a disparu loin de sa chère mère et des siens. Nous étions le 11 Avril 1945 et les camps se libéraient ou étaient libérés par l’avance des soviétiques et des forces alliées.
Au nom de La France, le Ministre des Anciens Combattants et des Victimes de la Guerre déclarera, en 1948, notre cher instituteur René TRESSARD : « MORT POUR LA FRANCE » et mention sera portée sur la sépulture familiale au cimetière de St Marc (du haut) à QUIMPER.
Un médaillon perpétue le souvenir de ce jeune homme courageux, lucide. Il avait 26 ans.
A l’école communale de PLEUVEN, René fut remplacé par Mr COSQUER, Mme PERROT et Mme PENNEC avaient « les petites classes ». Mr PENNEC, libéré, est revenu reprendre son poste de direction. Une plaque, rappelant l’arrestation en ces lieux de l’instituteur René TRESSARD, fut apposé à l’initiative des enseignants de l’école, des anciens collègues, amis et camarades, résistants et déportés (1955 ?)

Beaucoup de commerces au bourg de PLEUVEN en cette année 42 ont disparu aujourd’hui ;
Pour mémoire : le café J-M GUERROT (courtier et graines), le café LAHUEC, le café JACQ-LE BERRE, le café-tabac Jeanne GARIN, le café –boulangerie-sabots BOURHIS
(lieu du premier interrogatoire de René), le café–menuiserie Victor Le GAC, le café-mercerie COTTEN, le café-boulangerie DONNART (act. KERDRANVAT), le café-salle de réunion LE DU-JOURDAIN( act. JONCOUR-QUERE), le tailleur-mercerie Mme COATMEN et sa cantine scolaire (act. maison d’ Yvon MAOUT), la forge de Louis MAOUT , la boucherie – charcuterie LE GOFF( où logeait les instituteurs célibataires :Jean HASCOET(1939-1940), Mlle Jeanne LEYLDE, René TRESSARD(1941-1942).Le maire s’appelait Jean CHALONY (agriculteur) , le châtelain Mr TOUPIN. Le recteur Mr HENRY logeait en bas du bourg (TY NAY) en face du lavoir municipal. Lavoir où la vie communale se contait. Le boucher-charcutier LE GOFF abattait ses animaux tout au près de ce lieu, utilisant l’eau de la source à son usage. Les bêtes étaient attachées à une vieille souche. Le bouilleur de cru installait sa machinerie et ses feux également à cet endroit.
PLEUVEN était un paisible village entre différentes garnisons importantes allemandes : BREHOULOU à FOUESNANT, la base marine de BENODET, la ville-préfecture de QUIMPER etc….

Jean-Yves MAZO
– 50ème anniversaire de la Libération des camps

Cérémonie du 28 avril 1995 à PLEUVEN