Denise FIRMIN

Denise Firmin, née Larnicol, 1922-2019

Voici des extraits de l’hommage qui lui a été rendu par son petit-fils Frédéric, lors de ses obsèques à Lesconil le 19 janvier 2019

Hommage à Denise Larnicol

Elle était parmi les personnes les plus âgées de notre village. Elle était de ces grandes familles de Lesconil qui ont pour la plupart disparu. Denise, nous le savons tous, était une militante au sens le plus noble ; mais c’était aussi, par sa vie, un témoin privilégié du XXème siècle qui, s’il lui apporta tristesse et chagrin, sut lui donner aussi beaucoup de joie.

Morte à l’aube de ses 97 ans, Denise, par la longueur considérable de son existence, fut un témoin exceptionnel des grands bouleversements et plus particulièrement des moments les plus sombres que connurent la France et le monde au cours du XXème siècle.

Née le 5 février 1922 au pied de la butte de Ménez-Veil, elle était la fille de Louis Larnicol et de Victorine le Fur, tous deux issus de familles anciennement installées à Lesconil.

Louis, propriétaire d’un petit bateau dont le nom – « Égalité » – exprimait avec pertinence et simplicité les idées progressistes qu’il avait adoptées, était l’un des enfants du célèbre meunier conteur dont les récits inspirèrent et nourrirent les recueils de Marcel Divanach qui, originaire du quartier, avait eu le bonheur d’assister aux veillées qu’il animait dans sa chaumière. Victorine, quant elle, originaire de Kerandraon, haut de la grand’rue actuelle, était la fille d’un marin, Jean le Fur (Yann ar Fur) et de Anna Draoulec que tout le monde désignait par la forme bretonne de son prénom « Nagen Draoulec ».

Quelques années après sa naissance, Denise changea de quartier pour s’installer à proximité du Temple avant que ses parents ne décident d’entreprendre, non loin de là, au fond d’un chemin que l’on allait baptiser plus tard « rue du Temple », l’édification d’une maison qu’elle ne quittera plus.

A l’école, dès le début, Denise se passionna pour le savoir et, naturellement, se fit remarquer par l’excellence des résultats qu’elle obtenait dans toutes les disciplines comme en témoigneront toujours ses anciennes camarades de classe. Cela fut toujours l’objet pour ses parents d’une indéniable fierté. Ayant obtenu brillamment son certificat d’étude, sésame des enfants du peuple de cette Troisième république de la méritocratie, elle choisit pourtant, contre les conseils de son père, disposé à financer ses études secondaires, de travailler à l’usine pour demeurer dans la compagnie de ses amies. Elle se rendra cependant très rapidement compte de l’erreur commise et nous fera part, jusqu’à la fin de ses jours, des regrets de ne pas avoir suivi les sages conseils paternels.

Mais vinrent les heures sombres. La déclaration de guerre avec l’Allemagne d’Adolphe Hitler, en septembre 1939, allait constituer le commencement de la période la plus dramatique de sa vie. C’est devant le mur du Temple, en présence de ses parents et des habitants du quartier, qu’elle assista à l’entrée triomphale des troupes de la Wehrmacht à Lesconil, dans une atmosphère, comme elle le dira toujours, chargée d’un silence inquiétant. Cette angoisse était, à l’évidence, prémonitoire, car, les quatre années qui suivirent furent pour sa famille proche, comme pour bon nombre de Lesconilois, le temps de ce que l’on pourrait qualifier bibliquement d’une véritable Apocalypse.

Membres très actifs du Parti communiste et patriotes authentiques, son père et ses cousins de la famille Larnicol entrèrent immédiatement en résistance, refusant la politique de collaboration du maréchal Pétain et toute forme d’attentisme.

Les combles de l’antique chaumière des Larnicol au Ménez-Veil furent aussitôt choisis pour abriter les premières armes, les tracts et les journaux clandestins, au péril de la vie de ses oncles et tantes tandis que son cousin, Alain le Lay, révoqué de l’Éducation nationale pour ses opinions politiques, ne cessait de parcourir la Bretagne afin d’organiser et de structurer un vaste mouvement de résistance. Mais les missions dont il était chargé s’arrêtèrent brutalement en 1941 lorsqu’il fut arrêté dans le train, le 12 novembre, par des gendarmes français, abominables sicaires de Pétain et de sa clique de traîtres. Livré aux Allemands et déporté à Auschwitz, il y mourut le 4 octobre 1942 à Birkenau. Louis Larnicol, autre cousin, également chassé de l’Éducation nationale, fut, quant à lui, fusillé à l’école Saint-Gabriel de Pont-l’Abbé, le 12 juin 1944, après avoirs subi d’horribles sévices dont les traces physiques poussèrent sans doute les Allemands à faire disparaître son corps qui ne fut jamais retrouvé. Pierre Quéméner, un autre cousin, fut fusillé, avec d’autres camarades, dans les dunes de la Torche. Fille unique, Denise se retrouvait donc, lorsque la paix revint, privée d’une partie des parents de son âge et de ses amis les plus proches.

Il convenait de faire le deuil et de passer à autre chose. La vie continuait. Denise épousa René Firmin de Larvor et donna naissance à Louis-René et, un an plus tard, à Marie-Pierre. Il fallut agrandir la maison de Victorine pour y loger confortablement la petite famille. Les années passèrent ; chacun suivit son destin : René Firmin allait en mer et Denise travaillait chaque été dans les cuisines du centre de loisir de la SNCF. Cette activité lui plaisait car, lorsqu’elle fut en retraite, elle en parlait souvent, toujours avec émotion (…).

Une humaniste communiste militante

D’un bout à l’autre de sa longue vie, Denise ne cessa d’être une militante. Jamais elle ne s’arrêta de combattre activement aux côtés de sa famille idéologique, le Parti communiste.

Dès la fondation de ce mouvement, lors du congrès de Tours en décembre 1920, son père avait officiellement adhéré à ce courant révolutionnaire qui, dans le sillage tracé par la révolution d’octobre 1917, voulait mettre un terme à l’odieux système capitaliste fondé sur l’exploitation des travailleurs et des petits. Membre actif et incontournable du syndicat des marins, Louis Larnicol éleva donc sa fille dans une ambiance imprégnée de militantisme. C’est à cette époque qu’elle se familiarisa, comme tant d’autres enfants de Lesconil, avec les luttes sociales parfois intenses dont les ports bigoudens étaient le théâtre.

Devenue adulte et jusqu’à ce que ses forces le lui permirent, Denise fut de la plupart des manifestations que l’on organisait lorsqu’un acquis social obtenu durement par les anciens, comme l’on disait, était menacé. Ainsi, dans les années 1980, elle défila dans les rues de Pont-l’Abbé pour le maintient de l’usine Saupiquet et s’activa vigoureusement pour empêcher la fermeture de l’usine Raphalen de Plonéour-Lanvern et de la conserverie COOP du Guilvinec. A chaque fois qu’un membre du Comité central de la place du Colonel Fabien organisait une réunion dans la région, elle figurait au nombre des participants, généralement en compagnie de sa complice et fidèle cousine Anita Charlot. Je me souviens par exemple l’avoir accompagné à un meeting organisé à Brest, lors de la campagne présidentielle, en vue de soutenir la candidature d’André Lajoinie. Je pus mesurer, et j’en fus impressionné, à quel point l’esprit militant qui l’imprégnait, elle et ses camarades (Anita, Lita Quéméner, Marthe Brenn…), était puissant et quasiment religieux.

Pleinement dévouée aux idéaux d’égalité et de fraternité, c’est naturellement qu’elle s’investit très rapidement dans les causes relatives au pacifisme et, plus récemment, à l’écologie. Il s’agit d’ailleurs, sans nul doute, de la raison qui la poussa à prendre part à un rassemblement organisé en faveur de la disparition des armes nucléaires. Elle fut d’ailleurs enchantée d’y avoir rencontré le sulfureux monseigneur Gaillot dont elle me montrait régulièrement, non sans fierté, les photos qu’elle avait prises de lui.

Finalement, chers amis, une image suffit à résumer l’humaniste et la militante qu’elle fut : celle de Denise juchée sur sa bicyclette bleue à sacoches parcourant notre cher village de Lesconil et ses environs pour remettre aux camarades et aux sympathisants le journal qu’ils attendaient, Leur Journal, celui fondé par le Grand Jaurès : l’Humanité.

En somme, le communisme de Denise fut comme celui de la grande majorité des Français qui croyaient à l’avènement d’un monde meilleur, comme celui mis en poème par Aragon ou celui chanté par Jean Ferrat : un humanisme imprégné d’un profond patriotisme.

Femmes de fusillés, par Roland Passevant

FEMMES DE FUSILLES (extrait de « Ceux de la Torche et du « Réséda » dans l’ouvrage « Les Communistes au quotidien » de Roland PASSEVANT, Grasset, 1980)

A l’angle de la rue Marcel-Cachin et de la rue Jean-Moulin. Lisette Divanac’h, soixante-neuf ans. nous attend chez elle, en compagnie de Bernadette Cariou, soixante-quatorze ans et d’Aline De Bortoli, soixante et onze ans, trois femmes de fusillés.

Je ne suis pas près d’oublier cette rencontre. le visage de ces femmes bouleversées et revivant les épreuves comme au jour même.

Aline : « Heureusement que vous êtes venus ce matin. Ce soir. j’aurais été énervée toute la journée. Je crois encore que c’était hier. J’ai toujours envie de lutter. »

Son mari. communiste de Brest. a été fusillé à Paris, place Balard. Corentin Divanac’h, trente-neuf ans, et Etienne Cariou, quarante-deux ans, sont tombés côte à côte. le 23 juin à 22 h 20, avec Julien Faou. quarante deux ans. Ils étaient trois copains d’enfance, trois marins. Huit minutes plus tard (j’ai la photocopie de la lettre de la Feldkommandantur adressée au préfet pour signaler les exécutions), au même endroit, tombaient Albert Larzul, vingt-deux ans. Prosper Quemener. vingt ans. Armand Primot. dix huit ans, trois jeunes marins communistes. Lisette me montre la dernière lettre de son mari. Une feuille jaunie, à l’écriture au crayon usée. J’y relève trois phrases :

J’ai travaillé. depuis mon intelligence. pour le peuple. Je crois que j’ai mérité l’estime de tous mes voisins et de même mes ennemis…

… Je meurs fier de moi-même…

… c’est dur de mourir. surtout quand on s’aime…

Et la dernière lettre d’Etienne Cariou à sa femme et à sa fille, dont plusieurs passages ont été censurés. Mais quel froid courage :

Le cahier des comptes pour le bateau est dans le buffet . Tout est en ordre , les sous sont dans une botte en haut sur le buffet

Il y a le baromètre que je n’ai pas marqué, donc, c’est à voir.

Pour la maison, tout est réglé, sauf Corentin M.. à qui l’on doit tout son travail, moins 3O OOOfrancs. dont quittance est en haut

Toi, Mimi, avec qui j’ai eu tant de peines et tant de joies. sois courageuse et aie la certitude que ton père est condamné à mort pour avoir tenté de sauver la vie des autres

… Je vous embrasse une dernière fois. mais pas une larme ne coule de mes yeux… … (censuré) c’est à vous que je pense toujours. Adieu la vie. et vive la France libre !

Dessous sa signature :

Ne faites pas de grimaces à l’église. parce que je suis un honnête travailleur.

Lisette, Bernadette et Aline sont également membres du Parti.

Aline : « La Résistance, nous l’avons commencée en août 1940, sans les mots d’ordre. A Brest, certains disaient: Il faut aller en Angleterre. » Mon mari et moi, communistes, répondions : Vous ne parlez pas l’anglais, vous pouvez sauter sur les mines. Restez ici. Luttons ici, organisons la Résistance. » Nous n’étions pas résignés ». Lisette : « Je me souviens quand Corentin disait: «  La guerre d’Espagne, c’est la guerre mondiale. Munich c’est pas la paix. » Ils avaient raison! »

Bernadette: « Les communistes, ils disent les choses à l’avance. Ils savent » . . Je demande à cette dernière :

« Vous avez pu terminer de construire la maison ?

-Oui Monsieur, j’ai réussi

Je laisse trois femmes aux cheveux gris blanc, alertes, vives, révoltées.

Etrange cimetière où la mort atteint des dimensions extrêmes………

Je comprends pourquoi Raymond Cariou tenait à ce que nous passions au cimetière de Lesconil. Toutes ces tombes, taillées à Pont-l’Abbé dans les pierres marbrées des Côtes-du-Nord ou d’Afrique du Sud, donnent une impression de netteté, de richesse imprévisibles en pareil lieu. Ce n’est pas le cimetière traditionnel. On s’y croirait dans une vaste crypte des Invalides, à ciel ouvert. Si les gens d’ici aiment leur maison, ils veillent également au dernier logis. On a le culte des morts. Ce luxe des tombes atténue en même temps l’image de cimetière, dédramatise. Raymond, à voix sourde :

« Tous les jours, des gens viennent voir leurs morts. On s’assoit sur les tombes, pour leur parler. »

Les « péris en mer » sont nombreux et les victimes de juin 1944 toutes là. Sur la plupart des plaques, croisés, drapeau tricolore et drapeau rouge. Sur d’autres, en même temps, le drapeau rouge et une croix.

Raymond évoque ces morts avec sa connaissance des gens du pays.

« André Bargain, patron du Lilas Blanc, péri en mer en 1953, était à l’époque secrétaire de la section communiste.

« Pierre Daniel, communiste, fusillé le 15 juin 44, partage la tombe de son père tué au front, le 1er juillet 1918-.

« Ce monument a été élevé à la mémoire d’Alain Le Lay, brûlé à Auschwitz. »

Inscrit sur un livre de pierre: « Les communistes à leur cher. . . »

« Cette tombe est celle d’une vieille adhérente du Parti, Marie-Pochic, très active dans la grève de 1926. » L’épitaphe est en breton: « Zo kousked aman poania neus greet pad he buez peoh dezi breman. »

Raymond traduit: « Marie Pochic dort ici. Elle a lutté toute sa vie. Qu’on lui donne la paix maintenant. »

Ils ont souvent beaucoup lutté et parfois très jeunes, sont tombés dans la tempête, ou sur la Lande, dans les dunes de la Torche, à la tombée de la nuit, quand leurs chalutiers les attendaient en vain depuis des jours, dans le port de Lesconil. Étrange cimetière, où la mort atteint des dimensions extrêmes, au point d’y recréer, dans l’insolite, une certaine vie…


Visite aux BODÉRÉ (extrait de « LA TORCHE ET LE RÉSEDA »
de Roland PASSEVANT)

La rencontre avec les veuves de fusillés a fait évoquer le nom de Bodéré, un des fers de lance de la résistance à l’occupant. Il habite un hameau voisin. Tentons de l’y rencontrer. La chance nous sourit.

Guillaume et sa femme, la Marie-Jeanne, se préparaient à sortir. Raymond (1) m’avait prévenu : « Il a participé à des actions très dangereuses, risqué cent fois la mort. Pierre Brossolette, le dirigeant socialiste, est passé par le pays bigouden, de main en main, par les communistes, pour gagner l’Angleterre. Guillaume était dans le circuit. »

C’est un grand et solide marin, aujourd’hui retraité, portant bleu et casquette. Chez lui pas de signes extérieurs de ses activités de Résistance ou de militant communiste. Un petit tableau dans l’entrée: « L’asile le plus sûr, c’est le cœur d’une mère. »

Nous arrivons a 1’improviste et remuons de lointains souvenirs.

« Si on réfléchit bien, à l’époque, il n’y avait que les communistes, les gars du Parti.

« On était un triangle, avec Jean-Désiré Larnicol,  plus jeune maire de France en 1936, de Tréffiagat, à vingt-six ans, et Michel Le Goff, instituteur de Tréffiagat.

« Fin 1940, début 1941, on allait distribuer des tracts avec Jean Le Coz, prisonnier évadé. C’est lui qui m’a amené dans la Résistance, lui communiste, moi sympathisant.

– Quand es-tu devenu communiste ?

Je ne sais plus très bien, en février 1942 je crois. Je lui donnais un peu de crabes, en revenant de la mer, à Jean Le Coz, l’évadé, qui ne pouvait courir le risque d’embarquer. Un jour, je lui dis: «  Dommage que le Parti est dissous, sinon j’aurais adhéré. »

« Il me répond: .. Oh! tu sais, on existe toujours, on travaille dans la clandestinité. On ne fait pas que distribuer des tracts. et si tu veux. je prends ton adhésion. »

« J’ai dit :.. D’accord! ,.

« C’était après l’exécution de Péri et de Sampaix. Avec Jean Le Coz, on se connaissait depuis tout gosse. »

Nous sommes à la table de cuisine. Guillaume verse du cidre. La Marie-Jeanne reste debout près du fourneau mais attentive à notre discussion, Il est curieusement parti pour l’Angleterre, Guillaume. le 18 juin 1940. «C’était 24 heures avant l’arrivée des Allemands à Brest. Le Théodore Tissier, navire océanographique, nous a amenés à Southampton. Le jour de l’appel de De Gaulle !

« Nous ne l’avions pas entendu et même en Angleterre on ne nous en n’a pas parlé. Par contre, on m’a offert la nationalité anglaise. J’ai haussé les épaules et l’officier anglais a reconnu que ce n’était pas une solution.

« Fin août 1940, sur l’Aveyron, un cargo, je repars en France, à Toulon. Je vois le premier boche en gare de Mâcon et je remonte en Bretagne, pour résister.

– Quelles formes prenait la Résistance, ici ?

En dehors du travail de propagande, de diffusion de tracts, de journaux, le plus important était la récupération des armes venues d’Angleterre. Il fallait les passer à travers le filet des contrôles côtiers, vers la terre.

« Au large de Belle-lle-en-Mer, un chalutier venu d’Angleterre transférait les armes à bord de l’Audacieux, chalutier de chez nous, qui déposait les conteneurs aux Glénan, dans la ceinture de rochers.

« J’allais les chercher dans les rochers, avec Jean Baudry, qui a été fusillé au mont Valérien, début avril 1944. Nous ramions toute la nuit, car il fallait ne pas se faire repérer par les Allemands qui étaient aux Glénan. Deux à trois kilomètres à la godille

« Nous récupérions la dynamite, des crayons incendiaires, ensuite des conteneurs d’armes, et nous rentrions au port avec le chargement. Mais tous les bateaux passaient au contrôle. Nous avons connu là moult péripéties avec les Allemands, pour les Ausweiss.

« Ensuite, avec une charrette de paysan, sur le coup de midi, nous amenions les armes à la maison. »

Guillaume revit cet instant, en s’exclamant.

« La charrette semblait porter quelques casiers de pêche, légers, et le cheval soufflait.

« Je n’avais pas vu tout à fait tous les aspects du danger en faisant chez moi un dépôt d’armes. La dynamite dégage une odeur. A la maison, ça puait la dynamite

« Les Allemands sont venus la chercher, sur la dénonciation d’un résistant torturé.

« Un copain pêcheur, rencontré par hasard, alors que je rentrais, m’annonce que les Allemands encerclent ma maison.

« J’ai fait demi-tour, vécu deux mois dans les bois, puis un paysan m’a hébergé. Plus tard j’ai trouvé une planque, une maisonnette près de La Torche, et j’ai repris contact avec le Parti. »

Sa femme, elle, n’a pu échapper à l’arrestation et à l’emprisonnement. Elle a séjourné du 30 septembre 1942 au 4 août 1944 à la prison de Quimper. « Vous êtes également au Parti ?

– Non, j’ai suivi mon mari jusqu’à la prison, pas après. »

Nous évoquons d’autres souvenirs et nous nous quittons, sur un échange entre Raymond, Guillaume et Marie-Jeanne, à propos des élections. Car je me trouve à Lesconil, juste entre les deux tours des cantonales.

Folgoas, le candidat socialiste, maire de Plobannalec-Lesconil est arrivé en tête de la gauche. Depuis vingt quatre heures, je sens le déchirement. Et c’est Marie-Jeanne – elle dit « nous » en parlant du PC – qui affirme, sur un ton très dur :

« Voter Folgoas, non ! Après ce qu’ils ont fait. Ils ne valent pas mieux que Giscard. Ça fait mal au cœur ! »

Ça sent toujours la dynamite chez les Bodéré. Raymond sort en regardant la pointe de ses souliers.

 (1) Raymond CARIOU, qui a guidé Roland Passevant tout au long de son enquête dans le Pays Bigouden et notamment, à Lesconil et à Léchiagat.

Trafic d’armes à Léchiagat en 1942

TRAFIC D’ARMES A LÉCHIAGAT en 1942

(Pierre-Jean BERROU  DANS «  La Résistance-La Libération au GUILVINEC-LECHIAGAT »,  Bulletin Municipal « AR GELVENEG »

Ce fait de Résistance exceptionnel pour l’époque a été relaté dans de nombreux ouvrages (Clandestins de l’Iroise…) et de journaux (Travailleur Bigouden…) auxquels on peut se référer.

Un trafic d’armes venues d’Angleterre par containers, réceptionnées le 6 Août 42 par le langoustier « L’Audacieux » et mouillées aux Glénan, déclencha une répression immédiate avec perquisitions, fouilles, arrestations et dislocation du noyau de Résistance communiste de Léchiagat. Les armes arrivèrent au port le 15 Août 1942, mais une lettre du 14 placée sous le sceau du secret transmise par le commissaire Soutif des R.G. au Préfet, d’après un renseignement de la police allemande du 12 Août, préparait déjà un coup de filet dans les milieux communistes de Léchiagat. (archives des renseignements généraux).

Le rapport Soutif

« Le chef de poste de douane allemand de Léchiagat a reçu d’un informateur une déclaration aux termes de laquelle il existerait à Léchiagat un « Centre de Résistance » composé d’individus ayant appartenu au parti communiste ou ayant des sympathies pour le communisme ou le gaullisme. Ces derniers auraient constitué un dépôt d’armes parmi lesquelles se trouveraient une mitrailleuse et des munitions. Des réunions auraient lieu, des tracts seraient confectionnés et distribués. Voici la liste des personnes soupçonnées d’appartenir à cette organisation: Larnicol Jean Désiré, ex-maire de Treffiagat, Hénot (sans désignation de prénom) maçon, Le Coz Jean, menuisier, Quiniou Louis (?) marin-pêcheur, Bolloré, Larnicol Pierre Jean, tailleur, le Goff, instituteur.

Les réunions auraient lieu chez le Coz, Larnicol, les soeurs Charlot (café de la Pointe) ou chez une veuve Cossec , tenancière d’un maga­sin de chaussures. Parmi ces personnes, trois (les deux Larnicol et Le Coz) sont connues comme ayant appartenu au parti communiste.

Il a été convenu entre le chef de service alle­mand et moi-même que je procéderai à une enquê­te préliminaire et qu’ensuite, des perquisitions seraient faites à Léchiagat par les polices alleman­de et française travaillant conjointement. Le concours de la gendarmerie devra être sollicité… « .

Une autre lettre de la même date signée du chef de l’aussenKommando Hoth fait état de deux correspondants, dont le garde-champêtre, et signale un plan sur lequel sont repérées les habitations des personnes soupçonnées.

Ce document authentique révèle entre autres– si ce n’était déjà prouvé la collaboration de l’Etat français avec les Allemands par l’utilisation de sa police dans la répression contre la Résistance, et dans la surveillance particulièrement minutieuse des habitants de Léchiagat.

Un nid de Résistance à Léchiagat

Treffiagat, Le Guilvinec et Concarneau furent en 1935 les seules municipalités communistes de toute la Bretagne. A la suite du pacte germano-soviétique, le gouvernement français décida en 1939 la suppression du parti communiste et plus tard la dissolution de toutes les municipalités dirigées par le P.C. Au Guilvinec Marc Scouamec et les 16 conseillers furent remplacés par une délégation spéciale dirigée par M. Pérodeau puis sous l’occupation par Mr le Nivez officier de marine en retraite. A Treffiagat, Jean Désiré Larnicol démissionné fut supplanté par M. Gouzien, premier-maître de la marine en retraite. Quoi de plus facile alors pour les polices française et allemande, sachant que partout le parti se reconstituait dans la clandestinité, de surveiller particulièrement les « individus » déjà fichés aux R.G. ainsi que les sympathisants, dans les agglomérations où tout le monde se connaissait.

En 1941 Jean le Coz de retour de la guerre participa avec Jean Désiré Larnicol à la timide reconstitution d’une cellule à Léchiagat en relation avec Alain Signor et déjà les R.G. soupçonneux vinrent interroger l’ancien maire sur ses activités. Étape suivante, au cours de l’hiver 41, Robert Ballenger du Comité Central séjourna 8 jours chez Jean Désiré et se promena sur le port en sa compagnie : cela ne passa pas inaperçu.

L’Humanité clandestine commença à circuler parmi les sympathisants. Jean le Coz disposait d’une ronéo cachée à Léhan dans l’étable de ses parents. Aidé de sa soeur, Mme Hénot, il tira des tracts anti-allemands qui furent distribués dans les communes voisines. Albert Hénot, le jeune neveu de 12 ans était déjà dans le secret.

Puis des paquets de tracts venus de Pont-l’Abbé transitèrent par la famille Hénot avant d’aboutir chez Arsène Coïc, cordonnier de Léchiagat qui réunissait chez lui les jeunes communistes d’avant-guerre. Parmi eux, Rodolphe Péron, Jean Larnicol se chargeaient de les distribuer poussant même l’audace jusqu’à en jeter dans la cour du bâtiment qui abritait la GAST.

En 1942, les liaisons établies avec les cellules de Lesconil, de Pont-L’Abbé, etc… renforcèrent l’organisation clandestine. La création à l’échelon national des F.T.P. (Francs- Tireurs et Partisans), favorables à une action immédiate (sabotages, attentats) nécessitait la possession d’armes.

QUEINNEC , le chef du Secteur cornouaillais réussit à se mettre en relation avec les Anglais qui acceptèrent de leur en livrer. Un rendez-vous avec un sous-marin au large des côtes fut envisagé. Restait à trouver un bateau chargé de prendre livraison de la marchandise et surtout un patron qui ne manquait pas d’audace.

Transbordements dangereux

Le patron du langoustier de Léchiagat « l’Audacieux », Michel Bolloré, déjà membre du PC, accepta malgré les risques énormes encourus. Son équipage comprenait par ailleurs quelques sympathisants communistes comme Bastien Coïc ce qui pouvait lui faciliter la tâche. Après deux rendez-vous manqués, celui du 6 août 42 fut le bon. Mais au lieu du sous-marin attendu, Oh! surprise, l’équipage vit arriver le « Mouscoul », malamock guilviniste évadé du port en Juin 40 avec les volontaires de la « France Libre ». Daniel Lomenech du réseau Johny qui fut par ailleurs l’ancien chef des traversées clandestines accomplies par Raymond le Corre, etc…, commandait l’expédition.

Tout ne fut pas aisé car des membres de l’équipage de l’Audacieux non prévenus se trouvaient malgré eux impliqués dans une affaire très grave. Dans les conteners, des mitraillettes, des revolvers, des explosifs. Voilà bien une première livraison d’armes réussie entre les gaullistes de Londres et les communistes de la France occupée.

Pour ne pas courir trop de risques en rentrant au port, l’Audacieux préféra mouiller les conteners dans les parages des Glénan où ils seraient récupérés plus tard. Le plus difficile restait donc à faire. Le 14 août Jean Baudry et Guillaume Bodéré prirent la mer à bord de leur petit canot « Entre Nous » et, tout en faisant mine de relever leurs casiers, repêchèrent une partie des armes. Deux autres canots de Lesconil devaient se charger sur reste.

Qu’on imagine la suite, le risque inouï pris par les deux pêcheurs en rentrant au port du Guilvinec en plein jour sachant que la douane allemande fouillerait partout et sans doute découvrirait parmi les casiers, 7 conteners de plus de 50 kg chacun « made in Great Britain ». Sans compter la perspicacité du « boche du » de la Kriegsmarine… La désinvolture apparente de Guillaume Bodéré qui monta prestement à l’échelle du môle pour faire vérifier les papiers du bord à la guérite de la GAST, sauva la situation. L’allemand qui avait déjà amorcé sa descente vers le canot remonta et oublia la fouille ! Ouf! « l’Entre Nous » rejoignit le fond du port et le lendemain, devant les promeneurs du dimanche, 350 kg d’armes furent chargés dans la charrette à cheval de « Youenn Kéristin » et recouverts de casiers.

Scène tout à fait inhabituelle dans le port ! La cargaison fut d’abord entreposée dans le hangar de Jean Le Coz puis transférée le lendemain chez Guillaume Bodéré à Treffiagat. Le 19 Août, les commanditaires de Concarneau étaient à pied d’oeuvre, tôt le matin pour en prendre livraison puis ils passèrent à la carrière du « Piker men » Vincent Larnicol de Lesconil où les conteners des 2 autres canots avaient abouti. Le 19 Août ce fut aussi le jour choisi pour la perquisition prévue par les polices allemande et française chez les communistes de Léchiagat.

Perquisitions, arrestations

Bien préparées à l’aide du plan de Léchiagat annoté, les perquisitions eurent lieu simultanément en 5 points différents. Les armes étant en lieu sûr, restait la possibilité qu’on découvre chez les résistants des tracts ou des révolvers prélevés dans les conteners.

A 7 h du matin la police frappa à la porte des suspects. Chez Jean Désiré elle ne trouva rien ; cinq révolvers étaient pourtant cachés dans le fond du jardin; l’interrogatoire soutenu qu’il subit ne fut guère plus positif ! Chez Laurent Hénot, un paquet de tracts traînait sur la table quand des coups répétés sur la porte résonnèrent. Mme Hénot eut présence d’esprit de les jeter dans le jardin parmi les oignons avant d’ouvrir. la maison fut mise à sac; un révolver dans un chiffon était posé sur le rebord d’une fenêtre mais passa inaperçu. Laurent Hénot, s’éclipsa entre-temps. Son fils Albert fut contraint de partir à sa recherche et de le ramener d’urgence. Il le trouva à Plobannalec d’où il était originaire mais bien évidemment Laurent ne rentra pas. Au contraire le lendemain, à un lieu de rendez-vous fixé entre eux, Albert apporta à son père des provisions et des affaires. Laurent Hénot entra ainsi dans la clandestinité pour deux ans. C’est à Saint-Evarzec qu’il se réfugia, devenant ouvrier meunier. Au bout de quelques mois il crut s’être fait oublié et commit l’imprudence de revenir. La Gestapo faillit le cueillir chez lui mais il put se cacher sur le toit de sa maison. Les perquisitions ne donnèrent rien chez Jean Le Coz, Jos Quiniou, Michel Le Goff mais les suspects étaient prévenus.

Guillaume Bodéré et Jean Baudry, dans un premier temps ne furent pas inquiétés.

Ils étaient inconnus des services de police, non fichés aux R.G. Un mois plus tard, de nouvelles perquisitions et arrestations furent à nouveau opérées à Léchiagat. Un résistant de Concarneau venu prendre les conteners avait parlé sous la torture. Guillaume réussit à se cacher mais les Allemands arrêtèrent son épouse qui séjourna en prison pendant 2 ans.

Guillaume était désormais un homme traqué vivant de cache en cache avec de faux-papiers. Ceux-ci furent obtenus par Albert Hénot au nom de Le Fur à la mairie de Plobannalec et livrés dans sa planque de Plomeur.

Jean Baudry, qu’il fut impossible de prévenir, fut cueilli à son retour de mer et emprisonné à Fresnes. Le 5 Avril 1944 il fut fusillé au Mont Valérien. Nous extrayons de sa dernière lettre ces quelques mots: « Je vous dis chères femme et enfant, je vais mourir en pensant à vous. Je te dis aussi d’avoir bon courage afin d’élever notre petite Michèle ».

Jean Désiré Larnicol réussit à s’enfuir avant l’arrivée de la police et se réfugia dans la région parisienne. Jean Le Coz ne rentra plus chez lui , se cachant chez son beau-frère Xavier Cossec. C’est pourtant là que les gendarmes du Guilvinec l’arrêtèrent, à la suite d’une indication malencontreusement donnée par son épouse; non sans s’être rebellé et bagarré contre la force publique mais celle-ci fut la plus forte. Les gendarmes oublièrent la rébellion pour ne pas aggraver son cas. En même temps, Marc Scouarnec fut épinglé. Tous deux ne furent pas livrés aux Allemands mais conduits à la prison de Mesgloaguen avant de partir au camp de Voves où des gendarmes français les surveillèrent.

Une proposition de libération leur fut offerte à condition de signer un certificat d’allégeance au Maréchal et de collaborer à l’ordre nouveau. Tous deux refusèrent. Marc Scouarnec restera interné jusqu’en août 44 tandis que Jean Le Coz et ses compagnons de baraque réussiront à s’évader et à rejoindre la Résistance locale, après avoir creusé un tunnel de150 m sous les barbelés! Inouï!

Devant cette vague d’arrestations, Michel Bolloré, S. Coïc de « L’Audacieux » se sentirent en danger. Ils pouvaient être « arraisonnés » eux-aussi à leur retour de pêche. Ils décidèrent avec le reste  de l’équipage dont Sébastien Larnicol et son père de gagner l’ Angleterre.

Arsène Coïc, responsable des jeunes résistants était lui aussi dans le collimateur de la police.

Il se savait surveillé puisque le garde-champêtre vint plusieurs fois chez lui s’assurer de sa présence à la maison. Le 13 Octobre 1942 il fut arrêté par un civil et un gendarme. Déporté à Buchenwald il put y exercer son métier de cordonnier ce qui lui sauva la vie.

« Si tu tombes.. un autre prend ta place ». Michel Le Goff, jeune instituteur poursuivit l’action entreprise par les vieux militants. Les FTP redé­marrèrent progressivement à Léchiagat. Ils furent environ une vingtaine dont Lucien et Georges Pochat, René Credou, Lucien Quideau, etc. dis­tribuant les tracts la nuit, déchirant les affiches alle­mandes ou vichyssoises et bientôt marquant les murs du V de la victoire. Les armes manquaient cruellement. Mais qu’étaient devenues celles des containers?

Les liaisons furent surtout rétablies avec les résistants de Lesconil, mission dont se chargea plusieurs fois Albert Pochat et parfois une jeune fille, C. Paubert.

Albert Hénot le futur maire de Treffiagat accomplit ainsi des actes de résistance à un âge où ses camarades jouaient encore aux gendarmes et aux voleurs, en culotte courte. Même s’il était fort pour son âge cela devait être un cas exceptionnel.


Ci-joint un article de journal du 4 août 1946 intitulé « Les marins-pêcheurs de Léchiagat dans la Résistance »

Lettre de Jean-Désiré Larnicol

Monsieur le Directeur départemental
De l’Office des Anciens Combattants et Victimes de guerre

Je, soussigné Larnicol Désiré-Jean né à Treffiagat le 20 septembre 1909 déclare sur l’honneur ce qui suit :

JeanDésiréLarnicolDès la constitution du Front National dans notre pays en 1941, auquel j’adhérais aussitôt, l’organisation de la région Bretagne-ouest pour le Pays bigouden-sud me fut confiée pour assurer le recrutement de volontaires contre l’occupation allemande.

Au printemps de 1942, le Capitaine Queinec, membre de l’état-major de Charles Tillon, dirigeant national du FN me fit part des relations établies avec les directions de nos Alliés britanniques de même qu’avec les forces relevant de l’autorité du Général De Gaulle pour le ravitaillement en armes des forces françaises de l’intérieur.

Une opération de transfert d’armes en provenance de l’Angleterre était envisagée par mer. Elle devait être effectuée dans une zone de pêche, le Plateau de Noirmoutier au sud-est de Belle-Ile en mer.

J’obtenais pour accomplir cette mission périlleuse l’accord de M.Bolloré Michel, patron du côtre langoustier « l’Audacieux » immatriculé N° 5167 du quartier maritime de Guilvinec. Plusieurs tentatives mises sur pied durant le printemps demeurèrent sans résultat.

Le 6 août 1942 , la rencontre de l’Audacieux avec une unité de FNFL ( précisément un bateau de pêche «  le Mouscoul » qui avait rejoint l’Angleterre fin juin 1940 avec un équipage de jeunes marins du port de Guilvinec) placé sous le commandement du Capitaine Lomenech, originaire de Pont-Avec fut enfin réussie.

Plusieurs containers remplis d’armes diverses, mitrailleuses, revolvers, explosifs , furent embarqués et plongés dans le vivier du bateau « L’Audacieux » .

Afin d’éviter de gros risques à l’entrée du port de Guilvinec, le patron en accord avec l’équipage convint de mouiller les conteneurs dans les eaux des îles les Glénan où des bateaux de pêche fréquentant ces parages durant l’année, des ports de Lesconil et de Guilvinec vinrent les reprendre pour les déposer à terre pour être mises à la disposition des FFI.

Ainsi, le 15 août, jour de l’assomption, grande fête religieuse consacrée dans le Pays bigouden par le Pardon de la Joie, le canot « Entre-nous », patron Jean Baudry, ayant comme matelot Guillaume Bodéré rentra au port de Guilvinec sans difficulté, malgré la présence des soldats allemands de garde.

Juin 1944 dramatique : Lesconil Plomeur Plonivel La Torche Ile Tudy

Le 6 juin 1944 quatre allemands sont capturés à Plomeur par des résistants qui les cachent ensuite à Plonivel.
Une répression violente s’en suit avec une rafle à Lesconil, puis dans tout le canton. De nombreuses arrestations.
Et les 15 et 23 juin 15 résistants de Lesconil sont fusillés à La Torche.


UN RÉCIT de Jean-Claude QUIDEAU, « Du sang sur le sable de La Torche »

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UNE PAGE DE L’HISTOIRE DE LESCONIL 
HOMMAGE AUX RÉSISTANTS DE LESCONIL MORTS POUR LA FRANCE

par Charles CHALAMON , Sénateur au Conseil de la République,
Président d’honneur du Conseil Général de Seine et Marne

LA TRAGÉDIE DE JUIN 1944

Pour tous les Français, le mois de Juin 1944, qui a vu le débarquement des Alliés sur les côtes de Normandie, leur a apporté un immense espoir.
Fini le cauchemar qui durait depuis quatre années, fini l’asservissement total sous le joug ennemi, terminés les emprison­nements, les tortures sans nom, les déportations, les chambres à gaz et les fours crématoires où l’ennemi exécré avait en quelque sorte organisé industriellement la mort et la disparition des êtres humains, considérés comme suspects ou coupables d’appartenir à une race qu’ils détestaient.
Oui, fini tout cela. Et, sans voir le danger toujours exis­tant, tant que l’ennemi serait présent, les jeunes de la Résistance prenant leurs désirs pour des réalités, avec la fougue de leur âge, dédaignant les conseils de prudence qui leur étaient donnés en haut lieu, brûlant d’une impatience excusable, prirent en beaucoup d’en­droits des initiatives qui souvent, trop souvent, furent funestes à eux mêmes ou aux populations qu’ils avaient le désir de défendre.
Les Résistants de Lesconil, qui tous étaient jeunes et ardents, n’échappèrent pas à cette manière de comprendre la situa­tion et ce fut la cause du drame qui, commencé le 6 Juin se termina à la fin de ce mois dans le chagrin des familles qui y perdirent un ou plusieurs êtres chers et aussi dans l’affolement de toute la popu­lation terrorisée par les brutalités sanglantes de l’ennemi.

LE MARDI 6 JUIN 1944, LE DRAME COMMENCE

Le 6 Juin 1944, les Résistants de Lesconil arrivent à Plomeur, au moment où deux soldats allemands d’origine russe, parlementaient avec le Maire au sujet d’un collage d’affiches qu’ils étaient en train d’effectuer. Ces deux soldats sont faits prisonniers par les Résistants qui étaient venus à Plomeur dans le but de participer à une distribution d’armes qui, pour des raisons inconnues, n’eut pas lieu. Deux autres soldats ennemis, conduisant une charrette à cheval contenant le courrier, arrivent au même endroit quelque temps après. Le cheval dételé par les Résistants est laissé errant sur la voie publique, la charrette est remisée dans une cour de ferme ; les deux allemands sont faits prisonniers.

Ces quatre prisonniers sont conduits, au cours de la nuit, à Plonivel, dans l’ancien presbytère désaffecté et inhabité.
Les Résistants gardent les prisonniers allemands toute la nuit à Plonivel ainsi que les journées du 7 et du 6 Juin.
Mais les unités allemandes de la région s’étant aperçues que quatre soldats de chez eux manquaient à l’appel, font une enquête au cours de laquelle, elles trouvent dans les champs des environs de Plomeur, des masques à gaz déchiquetés et piétines ainsi qu’un panta­lon de soldat allemand.Elles en déduisent que leurs soldats ont été assassinés et leur chef, en proie à une fureur visible, déclare que si ses hommes ne sont pas retrouvés vivants, des représailles terribles s’en suivront.En attendant, ils prennent dix otages dont Monsieur le Maire de Plomeur et Monsieur Moulin, Directeur d’Ecole à Lesconil qui habitait Plomeur à ce moment là. Ayant appris les menaces terribles dont la population était l’objet, trois Résistants de Lesconil, les plus âgés, compre­nant le tragique de la situation et considérant que des victimes innocentes pourraient en pâtir, prennent la résolution d’aller trouver leurs camarades gardiens des quatre prisonniers pour leur montrer la nécessité de les relâcher afin d’éviter des représailles sanglantes. Ces Résistants étaient Corentin Divanach, Faou Julien qui partirent les premiers. En cours de route, ils alertèrent Etienne Cariou qui terminait des travaux de peinture dans sa maison. Au premier abord, il refusa de les accompagner mais, comprenant par la suite que son devoir était de faire la démarche avec eux, il les rejoignit quelques instants après. C’est donc à trois qu’ils se rendirent à Plonivel.On était le 8 Juin. Mais les allemands, de leur côté, n’étaient pas restés inactifs. Le vendredi 9 à l’aube,ils font une rafle dans les fermes de Brézéan où les Résistants sont cantonnés.Ils en arrêtent sept : Joseph Trébern, Georges Donnart, Corentin Le Béchennec, Corentin Durand, Emile Stéphan, Lucien Dréau, Larnicol Louis qui sont conduits à Saint-Gabriel, la maison d’édu­cation de Pont l’Abbé, qui avait été transformée en prison. Les Résistants qui gardaient les prisonniers à Plonivel, à la suite de la démarche faite auprès d’eux par Corentin Divanach et ses camarades, démarche qui reflétait l’opinion quasi générale des Résistants de Lesconil, étaient devenus très perplexes sur la suite à donner à leur action, se demandant s’il fallait relâcher les prisonniers. Dans l’après-midi, un nombre important d’allemands arrive dans plusieurs véhicules aux environs de Plonivel. Dans l’un de ces véhicules se trouvait le jeune Lucien Dréau qui avait été arrêté le matin.
Ces allemands avec toutes les précautions d’usage s’approchent de Plonivel qu’ils cherchent à encercler; il pouvait être 15 heures, des coups de feu éclatent, un des fils Volant, Antoine, cherchant à s’échapper est tué près de Kervéol par un soldat ennemi. Yves Volant, son frère, qui était dans ces parages essaya lui aussi de se sauver, il fut tué alors qu’il était en train de traverser le Steïr.
Les allemands, après avoir délivré leurs prisonniers procédè­rent à l’arrestation de tous les Français Résistants qui se trouvaient dans le presbytère et les conduisirent ensuite à la prison Saint-Gabriel, ces Résistants étaient : Ange Trébern, Pierre Quéméner, Pierre Daniel, Yves Biger, Jean-Marie Cadiou.
Le 11 Juin, Louis Larnicol, un jeune instituteur du Morbihan, originaire de Lorient, qui était venu se réfugier à Lesconil où il avait de la famille fût arrêté. Mis en cellule à Saint-Gabriel , il fut tué par un allemand avec lequel il avait eu une altercation et dont il avait voulu se saisir de l’arme. L’allemand qui s’était rebiffé lui fracassa la tête.
Le 9 Juin, Nicolas Stéphan et son fils Pierre, étaient arrêtés à l’Atlantic Hôtel; à leur domicile, tandis que François le Bec, Thomas Castric, Alphonse Primot, Louis Primot, Yves Lebrun, Sébastien Bargain, Ernest le Donche, Jean-Louis Durand, qui avaient passé la nuit précédente dans les fermes environnantes de Lesconil, furent arrêtés alors qu’étant sur les routes, ils rentraient chez eux. Conduits à Saint-Gabriel, ils furent relâchés le 14 Juin.
A la suite de tous ces tragiques incidents, le canton tout entier, fut mis en état de siège.
Le lundi 12 juin, une rafle eut lieu à Lesconil ; tous les hommes de 17 à 70 ans furent arrêtés et conduits à l’usine Maingourd où ils subirent un interrogatoire d’identité. Un triage fut effectué et les Résistants furent placés provi­soirement dans le magasin à sel. Six Résistants sont arrêtés et conduits à Saint-Gabriel. Ce sont : Etienne Cariou, Corentin Divanach, Julien Faou, Prosper Quéméner, Armand Primot, Albert Larzul. Trois autres : Sébastien Nédélec, Jean Coîc, Daniel Gentric furent conduits à Saint-Charles à Quimper, le 24 Juin. Pierre Le Moigne, Sébastien Cossec, malades, furent remis, pour soins, à l’hôpital de Quimper; en surveillance. Ils rentrèrent dans leurs foyers à la libération de Quimper.
D’autres habitants avaient été arrêtés à la rafle du 12 Juin. Ce furent les nommés : Antoine Bargain, Nicolas Buanic, Cadiou Louis, Mathieu Cossec, Marcel Garrec ; conduits à Saint-Gabriel; ils furent libéré s le 15 Juin.
Louis Volant, Emile Quéffélec, Marcel Quéffélec, arrêtés eux aussi le 12 Juin, furent conduits le 13 à Saint-Charles à Quimper et libérés le 4 Août à la libération de cette ville. Enfin, onze victimes de la rafle du 12 juin furent envoyées en Allemagne dans les services du travail obligatoire (S.T.O.). Ce sont : Théodore Biger, revenu malade et décédé un an après son retour, Gabriel Faou, Sébastien Cap, René Durand, Gaston Lucas, Jean Kerhom, Louis Cossec, René Le Pape, Louis Pérès, Laurent Larzul, Georges Dachy, Jean Cornec qui rentrèrent à Lesconil à la libération. Georges Dachy, réfugié de Roubaix retourna dans cette ville.
Antoine Buanic, Maurice Stéphan, furent arrêtés le 19 Juin, au retour d’une campagne de pêche. Conduits à Saint-Gabriel, puis à Saint-Charles, puis à Fresnes, avec Emile Stéphan, Lucien Dréau, Sébastien Nédélec, Daniel Gentric, Jean Coîc, ils subirent le sort suivant :
Antoine Buanic, déporté en Allemagne, après être passé au camp de Dora, est mort à Erlich. Emile Stéphan, Lucien Dréau, Sébastien Nédélec, Daniel Gentric, Jean Coïc, arrivés à Fresnes, le 30 Juin, y furent maintenus comme otages et libérés le là Août à la libération de Paris sur l’intervention du Consul de Suède et de la Croix Rouge Française, après un échange de pri­sonniers où il fallait donner cinq allemands pour que ceux-ci libèrent un Français.

FIN JUIN 1944, LE DRAME SANGLANT EST ACHEVÉ.
Nous arrivons enfin aux moments les plus tragiques, les plus douloureux de ce terrible calvaire. Il est indéniable que dans cette affreuse affaire, les allemands opéraient à coup sûr. Ils possédaient la liste des communistes, celle des Résistants. Leurs propres services avaient fait les repérages nécessaires, mais des dénonciateurs peuvent aussi avoir fait leur oeuvre néfaste. Peut-être, nos ennemis ont-ils entendu certaines paroles imprudentes qui, iso­lées, ne signifiaient rien, tandis que groupées, rapprochées, elles leur permettaient de savoir ce qu’ils voulaient.Partout en France, on a assisté aux mêmes moyens employés.
Le 10 Juin, neuf Résistants passèrent devant une cour martiale qui, après un jugement sommaire, les condamna à mort ; le 15 Juin suivant, ils étaient fusillés à la Torche. Ces neuf braves se nomment : Joseph Trébern, Georges Donnart, Lucien Durand, Corentin Le Béchennec, Ange Trébern, Pierre Quéméner, Pierre Daniel, Yves Biger et Jean-Marie Cadiou.
Le 22 Juin, six nouveaux patriotes passaient devant la même cour. Condamnés à mort, ils furent fusillés à la Torche le 23 Juin. Ces six bra­ves s’appellent : Etienne Cariou, Corentin Divanach, Julien Faou, Prosper Quéméner, Armand Primot et Albert Larzul. Si l’on ajoute aux quinze de ces deux listes : Antoine Volant, tué à Kervéol en combattant, ainsi que Yves Volant, tué alors qu’il traversait la lande de Brézéan, Louis Larnicol, assassiné à la prison Saint-Gabriel, Antoine Buanic, décédé au camp d’Erlich, Théodore Biger, décédé à son retour d’Allemagne, nous arrivons au chiffre de vingt morts.
Pendant la séjour des Résistants à Saint-Gabriel, ils y furent copieusement battus. A Saint-Charles, à Quimper, ils furent, terrorisés, introduits dans la chambre à tortures ; mais l’ennemi ne mit pas ses menaces à exécution.
Ces événements douloureux eurent des répercussions dans les communes voisines. C’est ainsi qu’à Plomeur, le Maire, Louis Mehu et M, Isidore Garo, son secrétaire de mairie, furent arrêtés. Le 7 Juin, le maire fut assassiné dans sa cellule à Saint-Gabriel. Le secrétaire, envoyé en déportation en Allemagne, y est mort de dyssenterie.
A l’île Tudy, quinze Résistants sont envoyés en déportation ; un seul est rentré. A Léchiagat, à Guilvinec, les rafles donnèrent les mêmes résultats. Vingt deux morts pour la région de Lesconil, voilà le bilan tragique.
Les corps des fusillés de la Torche, retrouvés le 6 Août, fu­rent d’abord inhumés, à titre provisoire, à Plobannalec. Les deux frères Volant furent retrouvés à Poulgen en Penmarc’h. Les sépultures définitives de ces héros sont maintenant dans le cimetière de Lesconil où des funé­railles imposantes leur ont été faites.
Un monument a été élevé à la Torche à l’endroit où ont été fusillés ces victimes. L’inauguration en a eu lieu en présence de M. le Secrétaire Général de la Préfecture et de nombreuses notabilités de la région.
Voilà, mes Chers Amis, retracées ces quelques pages, largement teintées de sang innocent et qui appartiennent à l’histoire de votre chère Commune.
Voilà retracées par la photographie les images de vos petits, de ces pauvres gosses qui, à un moment de leur vie, oubliant le danger, se sont dressés contre l’envahisseur.
J’ai pensé, moi qui aime tant votre charmant port de pêcheurs, vos landes, vos bois, votre océan, ce réservoir immense d’où vous tirez ce qui fait votre prospérité et votre bien être, qu’il fallait que les populations qui montent sachent ce qu’a été l’histoire en Juin 1944 »

Je remercie tous ceux qui m’ont permis d’écrire cette brochure où je me suis efforcé de glorifier le souvenir de toutes ces victimes de la barbarie allemande.
Ch. CHALAMON
A cette liste, déjà trop longue, il faut ajouter :
Alain Le Lay, arrêté en Novembre 1941 à Brest envoyé à Compiègne puis à Auschwitz où il est mort en 1942,
Le Donche Yves du groupe de Résistance « Vengeance » arrêté le 2 Janvier 1944 à Audierne, envoyé à Saint-Charles, puis à Compiègne et enfin à Auschwitz où il est mort en Avril 1944,
Le Morzadec Pierre, Résistant, est mort brûlé à Saint-Nicodème (Côtes-du-Nord) alors qu’il transportait des munitions dans un camion que les alle­mands firent sauter.

AUX HABITANTS DE LESCONIL

Permettez moi de vous appeler : « Mes chers Amis », vous qui m’accueillez, ainsi que ma famille, avec tant de sympathie depuis une quarantaine d’années et de vous dédier cet hommage écrit à la mémoi­re de « Ceux de la Résistance », qui, en Juin 1944, au cours du drame tragique qui a atteint votre population, en y apportant l’angoisse et la terreur, ont fait le sacrifice de leur vie, pour une cause admirable, la défense de notre chère Patrie.
Ces lignes, consacrées à la mémoire de ces chers petits gars, sont écrites sans parti pris politique ou philosophique d’au­cune sorte ; elles s’élèvent au-dessus de la mêlée.
Quand la Patrie est menacée, quand tout ce qui constitue sa grandeur : les souvenirs du passé, les sacrifices consentis, le labeur dans tous les domaines de tous ceux qui nous ont précédés et qui ont fait de notre France la grande nation appréciée du monde en­tier, quand enfin, notre Patrie traverse des jours particulièrement difficiles, l’union de tous ses enfants devient une nécessité absolue.
C’est donc, dans le sentiment le plus élevé, le plus profond, le plus noble d’une union sacrée qui devra toujours nous réunir, que j’écris ces quelques pages dédiées à la mémoire de vos enfants, victi­mes de la barbarie allemande.
Charles CHALAMON


Une précision envoyée par Vincent Le Floc’h à Gaston Balliot

Voici les informations que je peux te communiquer concernant le trajet suivi par les 4 prisonniers allemands encadrés par les résistants de Lesconil.

Les circonstances du récit : Un soir de fêtes patronales, je me retrouve dans un bar, à côté d’un autre consommateur que je ne connaissais pas et qui attendait comme moi, qu’on le serve, avant de prendre le chemin du retour à la maison. J’ai dû manifester mon impatience en breton. Mon voisin, en bon bigouden, bretonnant comme moi, en profite pour en savoir plus sur moi. Hyacinthe Le Borgne -c’est son nom- me dit aussitôt : « D’où es-tu ? Quand je lui réponds : »de Plobannalec; plus précisément du quartier de Plonivel », il commence par me dire qu’il a de la parenté dans ce quartier. Ayant fait quelques recherches de généalogie, j’ai compris par quel biais il était parent à la famille qu’il me signalait. J’ai aussi vite compris que cette information n’était qu’un prétexte pour me parler d’autre chose : les événements de juin 1944.

« Sais-tu ce qui s’est passé dans ton quartier en 1944 ? » « oui, » lui réponds-je. Et il se met à me raconter les événements que voici. IL était à l’époque jeune ouvrier agricole (mevel en breton), depuis sa sortie de l’école primaire et travaillait dans une des fermes de Trevule, près de Kernel, tout à fait à l’Est de la commune. Il ajoute même que, par manque de place, il dormait dans le même lit qu’un des fils de son patron. Au milieu de la nuit du 6 au 7 juin, on se met à frapper sur la porte d’entrée de la maison. C’était les 4 prisonniers allemands et les résistants de Lesconil qui les encadraient. Ces derniers demandent un lieu fermé pour y passer au moins le reste de la nuit. Le patron leur donne une grange. Le lendemain, 7 juin, on donne aux prisonniers allemands les restes de pommes de terre qui n’avaient pas été consommées la veille car, précise-t’ il, c’était l’époque des foins et on cuisait toujours plutôt plus que moins pour les travailleurs. Il ajoute d’ailleurs que c’est sans doute grâce à cela (la nourriture donnée aux Allemands) que le patron n’a pas été inquiété par la suite. Par précaution, toute la bande reste dans la grange de Trevule la journée du 7 juin. Ils reprennent la route dans la nuit du 7 au 8 juin, direction l’ancien presbytère inoccupé de Plonivel qui avait été mis à la disposition des résistants de Lesconil par le propriétaire, l’avocat Bounoure de Quimper, résistant lui-même, qui l’avait acheté juste avant la guerre (en 1938 me semble-t’ il). Que faire de ces encombrants prisonniers ? La décision a été prise de leur faire creuser leur propre tombe. Un autre témoin habitant à l’époque non loin de là, m’ en a montré l’endroit précis . Les prisonniers allemands devaient y être exécutés. Le 9, à partir de 15 heures, le quartier est encerclé et les feux retentissent. La jument de mon oncle, qui travaillait dans l’un de ses champs, a été blessée par une balle perdue, à quelque centaines de mètres du presbytère. Les frères Volant ont été tués en voulant s’enfuir et les autres résistants sont faits prisonniers. Selon leur habitude, les Allemands (des « Russes blancs », mercenaires venant du Caucase, plus exactement) ont mis le feu à l’ancien presbytère avant de quitter les lieux. Habitant à 1,5 km environ à l’Est de Plonivel, je me souviens de ce soir du 9 juin avec les fumerolles continuant à s’élever au-dessus de l’ancien presbytère. J’avais été planqué dans la maison par mes parents et, de ce fait, je n’ai pas pu voir les flammes de l’incendie, ce qui ne fut pas le cas, 2 mois plus tard, quand c’est le centre de munitions de Kerhervant qui a brûlé au moment du départ de l’occupant. Qui a dévoilé le lieu où étaient cachés les prisonniers ? Mystère. Des noms ont circulé . La suite, tu l’as évoqué : le regroupement de tous les hommes de 15 à 50 dans la cour de l’usine Maingourd le 12 juin et l’arrestation de nouveaux prisonniers reconnus par les 4 prisonniers allemands, les fusillés de la Torche.

Je te mets en PJ une photo prise en octobre p 1946 par le recteur de Plobannalec de l’époque, Christophe Jézégou, au moment de son départ de la paroisse. Pour compléter ce témoignage, il faudrait établir le trajet supposé de Trevule à Plonivel, à partir d’un plan antérieur au remembrement de 1972, avec le tracé des anciennes routes. Manifestement, ils ont dû éviter le bourg de Plobannalec.

Les années noires du pays bigouden

Le 20 juin 1940, le déferlement des troupes allemandes, dans sa progression foudroyante vers l’ouest, parvient en bout de course, jusqu’à notre pays bigouden. Un baroud d’honneur l’a un peu retardé devant LORIENT, mais à QUIMPER , les troupes maigres, disparates, inopérantes, sont restées dans leur caserne.

C’est dans une stupeur paralysante que la population vit le début de l’occupation. Routes et rues se sont vidées. Derrière les rideaux des fenêtres, des regards angoissés fixent les uniformes felgraü, tandis que résonnent les lourdes bottes et que montent les chants orgueilleux et scandés.

PONT -L’ABBÉ ne constitue pas un centre stratégique notable. Nos ports-abris, inaptes à recevoir des bateaux de guerre, mais dotés d’une flottille de pêche importante, constituent avec la surveillance côtière le seul objectif puissant. Aussi, dès l’abord, le dispositif des troupes allemandes est-il assez léger, de l’ordre d’un bataillon. A PONT-L’ABBÉ, les principaux bâtiments scolaires sont accaparés : l’École Primaire Supérieure et le Collège Saint-Gabriel qui va abriter la Kommandantur, avec le Bureau général et la prison. Les troupes sont réparties entre Lestréminou, en PLOMEUR, PLO­BANNALEC et Trévannec en PONT-L’ABBÉ. De petites garnisons sont distribuées le long du littoral pour appuyer l’action de la Gast (police des ports plutôt que douane).

La cohabitation de l’occupé et de l’occupant s’installe. Le travail a repris, les commerces sont ouverts. Des soldats, ayant échappé à l’internement, retrouvent leur famille. D’autres, hélas, sont cueillis chez eux et conduits. dans des camions à la caserne de la Tour-d’Auvergne à QUIMPER. Ils ne pressentent pas que les stalags vont les retenir pendant cinq ans.

Bien vite, la botte de l’occupant va se faire plus lourde. Dans nos ports, la vie va souffrir de la limitation de plus en plus sévère des jours et horaires de sorties, de l’insuffisance de carburant, de la désorganisation des moyens de trans­port et du contrôle de plus en plus pointilleux et méfiant de la Gast à la sortie comme à la rentrée au port. La fouille devient une règle.

Malgré cela, dès le 22 juin 1940, à bord du « Korrigan », vingt patriotes gagnent l’Angleterre. Quatre d’entre eux, des Guilvinistes, vont établir un véritable service régulier, et embarquer, à TRÉBOUL, à huit reprises, des volontaires pour les Forces Françaises Libres, à bord du « ROANEZ AR PEOC’H ». Le 24 juin, le « Notre-Dame de Bon Conseil », un sar­dinier de 20 pieds de quille, doté d’un moteur Beaudoin de 22 cv à essence, pouvant également marcher à la voile, quitte à minuit et demie le port de KERITY avec huit hommes à bord, tous de PENMARC’H. Après 55 heures de traversée, deux journées et deux nuits pendant lesquelles il aura fallu pomper sans arrêt, sans manger ni boire, la pinasse aborde à Sainte-Mary’s, des Iles Scilly. C’est l’Angleterre et la liberté. Deux des huit hommes sont encore vivants. Parmi les dispa­rus : Julien DUPUIS, tué le 12 septembre 1940, lors de l’expédition malheureuse de DAKAR, sera l’un des premiers résistants fait Compagnon de la Libération à titre posthume.

Contre l’occupant, dont la brutalité et la morgue grandissent progressivement, au fur et à mesure que le sort des armes tourne en sa faveur et contre le nazisme, des actes isolés de rébellion : le 20 novembre 1940, un marin-pêcheur de SAINT-GUÉNOLÉ, Francois PÉRON, âgé de trente ans, est arrêté pour avoir porté un coup de poing à un sous-officier, commandant une patrouille, en riposte à un coup de crosse. Condamné à mort, repris après une tentative d’évasion de la maison d’arrêt de Quimper, la jambe brisée, il est enfermé dans une cellule avant d’être hospitalisé à Quimper, puis à Concarneau. « C’est près de cette ville, dans le domaine de Kériolet, que les Allemands fusillent François PÉRON, le 25 février 1941, allongé sur un brancard, à cause de sa blessure. L’évasion dramatique de PÉRON, les circonstances de son exécution, la première en date dans la région de Quimper, frappent et indignent l’opinion publique. D’aucuns révi­sent leur jugement sur les .Allemands « corrects ». (« Le Finistère dans la guerre », de G.M. Thomas et A. Le Grand.)
F. PÉRON sera fait Compagnon de la Libération à titre posthume par le Général de Gaulle. .

En 1941, le « Vincent-Michelle » en juillet, et le « Veach Mad », en novembre, conduisent à des sous-marins des patriotes français, non sans difficultés. Fait intéressant, le « Vincent-Michelle », de Saint-Guénolé-Penmarc’h, ramène de sa mission des postes émetteurs qui manquent cruellement aux réseaux de renseignements qui, petit à petit, s’organi­sent. Manquent aussi des armes et des munitions. Pour le compte des F.T.P .F. le côtre  » Audacieux » reçoit des containers transbordés du N51 de Daniel LOMENECH, au large de Belle-Ile. Il les transporte jusqu’aux approches de Penfret aux Glénan, où il les mouille. « L’Entre-Nous » chargera quatre. containers et pourra les débarquera au quai de Léchiagat, grâce au sang-froid du matelot Guillaume BODÉRÉ, lors du contrôle de la Gast. Deux barques: le « Saint-Tudy » et « L’Exploité des Mers », vont amener les autres containers au fond du port de Lesconil. A partir de novembre 1942, un bateau concarnois, le « Papillon des Vagues », fait parfois escale à Saint-Guénolé. C’est que, sur 6 hommes d’équipage, quatre sont du coin: les frères René et Armand CARVAL, Michel LE GARS, Alain HELIAS. Il est l’un des maillons du réseau CND.CASTILLE que le Colonel REMY a réussi à tisser et qui, sous le nom de code « NARVAL » et chaque fois que « Denise a les yeux bleus« , ,à la B.B.C., accomplira une liaison en mer avec un sous-marin anglais avant que, le 23 décembre 1943, la Gestapo n’arrête sur les quais de Concarneau tout l’équipage qui sera déporté au sinistre camp de MAUTHAUSEN.

Fin 1943, des résistants transportent au château d’eau de Pont-l’Abbé, pour le compte de « Libé-Nord », deux camions d’armes et de munitions, parachutées près de la forêt du Cranou. Cette opération. est contrôlée par le Colonel BERTHAUD, dont la famille est repliée à Pont-l’Abbé. Progressivement, la Résistance se structure dans divers mouvements et réseaux. Sont actifs dans le canton: les mouvements « Libération-Nord », dont le groupe originel s’est constitué autour de quelques instituteurs de Pont-l’Abbé, « Vengeance », commandé régionalement par les frères DUPOUY, jusqu’à leur déportation en Allemagne d’où ils ne reviendront pas, les F.T.P.F. rangés autour de Daniel TRELLU (futur Colonel CHEVALIER) et qui vont fournir des résistants au maquis de Spézet.

Un fait très grave : l’arrivée à Pont-l’Abbé, début 1944, d’un régiment essentiellement caucasien. La situation devient tendue… L’ennemi rendu nerveux par ses dures défaites et la prescience du grand débarquement allié, sait par ailleurs que la Résistance se renforce. Des coups de main l’avertissent que les « terroristes » guettent le moment de la lutte armée. Dans le canton, le groupe « Vengeance » est décimé. Plusieurs de ses membres sont déportés en Allemagne. Un peu plus tard, de féroces représailles vont faire de Plobannalec-Lesconil et de l’Ile-Tudy deux bourgades martyres.

Le 6 juin 1944, un fort groupement F.T.P.F. occupe prématurément Plomeur, y fait quatre prisonniers ennemis qui sont conduits et internés à Plonivel. Ils vont être libérés par les Allemands alertés et renseignés, le 9 juin. Ce jour-là, les deux frères VOLANT sont abattus, et une série de rafles impitoyables, jusqu’au 19 juin, va terrifier la population. 38 jeu­nes hommes sont arrêtés, dont 16 sont fusillés à la Torche, en Plomeur, du 15 au13 juin. Un autre est fusillé au Collège St-Gabriel, tout comme un otage de Plomeur, son Maire, Louis MEHU. Deux des déportés du camp de Dora vont y périr. Au total, vingt-huit de ses enfants vont s’inscrire au martyrologe de Lesconil.

Dans la même période, la population de 1’Ile-Tudy est plongée dans le malheur. Tout s’est mis en place le 2 février 1944 avec l’opération « Dalhia » au cœur de laquelle se trouve Yves LE HENAFF (« Fanfan »). Dans la nuit sombre et venteuse, une pinasse noire, assez ancienne, le « Jouet des Flots », mouillée devant la Grande Grève de L’Ile-Tudy, reçoit sa cargaison amenée par quatre marins-pêcheurs : au total 32 hommes dont 26 doivent être conduits au large de l’Ile de Sein pour y être embarqués sur un escorteur britannique qui les transportera en Angleterre. Parmi eux, deux personnali­tés éminentes de la Résistance: Pierre BROSSOLETTE et Emile BOLLAERT qui rentrent à Londres, porteurs de messa­ges importants destinés au Général de Gaulle; de même le futur Général JOUHAUD ; d’autres notabilités françaises ou anglaises, et 10 aviateurs alliés tombés sur notre territoire ou même à l’étranger et qui doivent reprendre le combat. La mer est forte, surtout après Penmarc’h, et dès le début la quille a talonné la roche. A mi-chemin de Sein, le bateau fait eau et la situation s’aggrave : le moteur est noyé tandis que l’on s’approche de la dangereuse Chaussée de Sein. La voile est montée, mais emportée par le vent. Grâce à un matelot courageux, une drisse est passée en haut du mât, ce qui permet de conduire le  « Jouet des Flots » dans les rochers des accores de Plogoff, à Feunteun an Aod. Le débarquement est dramati­que mais réussi… et le  » Jouet des Flots » vite disloqué, coule. L’accueil de Plogoff est chaud, mais il faut vite se disperser. Treize résistants sont arrêtés par les Allemands soupçonneux, dont Brossolette, Bollaert, Yves Le Hénaff, seul Bollaert survivra à la guerre.

Plusieurs mois plus tard, trois marins-pêcheurs de l’Ile-Tudy sont pris dans une vaste rafle à Combrit et Plomelin, le 19 juin. Deux d’entre eux ne reviendront pas. Le lendemain, avant l’aube, une rafle implacable s’abat sur l’Ile-Tudy où presque tous les jeunes résistants sont arrêtés. Ils vont rejoindre le camp de concentration de DORA, pour un cruel des­tin. Seize victimes, c’est énorme pour la petite commune de l’Ile-Tudy. Parmi eux, deux avaient participé au dernier voyage du  « Jouet des Flots ».

Les autres communes du canton ont été relativement épargnées (Pont-l’Abbé a perdu 8 fusillés ou déportés).

Beaucoup ont survécu grâce au patriotisme de notre population, et spécialement des paysans, qui ont abrité le maquis. Grâce aux mairies où la Résistance fut presque de règle.

Après que les Allemands en fuite aient fait sauter des munitions dans un train en gare de Pont-l’Abbé, comme dans un camion près du Château, la Pays Bigouden est libéré.

Deux bataillons F.F.I. apparaissent: le « Bataillon Bigouden » et le .’Bataillon Antoine Volant ». Le Bataillon Bigou­den a été rejoint par des déserteurs: 29 Russes, 3 aviateurs polonais et 3 Allemands. S’y insère une section de Républi­cains espagnols. L’une de ces compagnies est recrutée à Plonéour, hors du canton de Pont-l’Abbé. Le 12 août, une action à Tréguennec coûte aux Allemands deux morts en combat et 72 prisonniers. A la mi-septembre, le Bataillon Bigouden par­ticipe au siège et la prise des casemates de Lézongar, à Audierne, faisant 60 prisonniers remis aux Américains, tandis que le Bataillon Antoine Volant est engagé dans la réduction de la poche de Crozon. De la fin du mois de septembre 1944 jusqu’au 8 mai 1945, chaque bataillon fournit une compagnie pour combattre sur le front de Lorient. La compagnie qui émane du Bataillon Bigouden y perd, entre autres, son capitaine, Louis LE DREZEN, tombé en opération.

D’autres des nôtres combattent et parfois meurent dans d’autres unités, dont un dans la 1ère Armée.
Notre canton bigouden a chèrement payé son patriotisme.

Louis LE CORRE.

Prosper QUÉMÉNER

QUÉMÉNER Prosper, Jean, Marie

Né le 12 août 1923 à Plobannalec (Finistère), fusillé le 23 juin 1944 dans les dunes de La Torche en Plomeur (Finistère) ;
marin-pêcheur ; militant communiste ; résistant FTPF.

Célibataire, Prosper Quéméner était le fils d’un marin-pêcheur de Lesconil en Plobannalec.
Il adhéra, selon Eugène Kerbaul, aux structures du Parti communiste clandestin du pays bigouden. Il rejoignit les FTPF au mois d’octobre 1943, intégrant les Forces françaises de l’intérieur (FFI) du Finistère au sein du bataillon Bigouden.
Le 6 juin 1944, Prosper Quéméner, avec un groupe de FTPF de Lesconil, se rendit à Plomeur pour participer à une distribution d’armes. Sur leur chemin, ils rencontrèrent le maire, Louis Méhu, en pleine discussion avec deux soldats allemands au sujet d’un collage d’affiches. Les FTPF se saisirent des soldats, qui furent conduits dans l’ancien presbytère de Plonivel en Plobannalec (Finistère).
Lors de la contre-attaque menée par l’armée allemande quelques jours plus tard afin de retrouver les soldats, le 12 juin 1944, toute la population fut « raflée » et rassemblée. Prosper Quéméner, pris dans cette opération menée par la Wehrmacht, fut identifié comme FTPF.
Incarcéré dans un premier temps à l’usine Maingourd qui servait de casernement, il fut transféré à la prison Saint-Gabriel de Pont-l’Abbé (Finistère).
Prosper Quéméner fut condamné à mort par le tribunal militaire allemand (FK 752) de Quimper le 23 juin 1944 (22 juin selon des témoignages recueillis par Jean Kervision), pour « activité de franc-tireur ».
Il a été fusillé le 23 juin 1944 à La Torche, en même temps qu’Étienne Cariou, Jean Divanac’h, Albert Larzul, Armand Primot et Julien Faou à 22 h 28.
Son nom figure sur la stèle commémorative de Penmarc’h, parmi quinze noms de résistants FTPF de Lesconil.

plaque au cimetière de Lesconil, carré des fusillés

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII 5, Liste 1744 (Notes Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty). – J.-P. Besse, T. Pouty, Les fusillés (1940-1944), op. cit. – Brewalan Biger, Jean-Pierre Sudre, Les fusillés du Finistère (1940-1944), Mémoire de master, UBO, 2011. – Eugène Kerbaul, 1 270 militants du Finistère (1918-1945), IRM Bretagne, 1985. – Documentation remise par Jean Kervision, responsable du Travailleur Bigouden, publication de la section du PCF du Pays bigouden , no 158, 2e trimestre 1995. – Site Internet Résistants et amis de la Résistance, ANACR du Finistère.

Alain Prigent, Serge Tilly             2007-2015 © Copyright Maitron/Editions de l’Atelier – Tous droits réservés || Maitron – 9, rue Malher – 75004 Paris

Note de J. K. Pour connaître les circonstances précises de leur arrestation de leur jugement et de leur exécution, se référer à L’article « SAINT-GABRIEL SOUS L’OCCUPATION » qui figure également dans notre site. , ainsi que le cas échéant, tous ceux concernant Lesconil en juin 1944.


Lettres de Prosper Quémener à sa famille juste avant son exécution

Une version téléchargeable (pdf) de cette lettre

Un article du journal Le Télégramme du 14 Juin 2018

Une copie peut-être plus lisible de ses lettres :

Une transcription de cette lettre :

« Cher père et mère, je vous fais savoir que je suis condamné à mort par le tribunal allemand, parce que j’ai été garder des prisonniers allemands dans une ferme. Rendre le bonjour à tous mes parents qui ne me reverront plus jamais sur la terre en vie. Papa il faut payer mon rôle d’équipage à Jean Guénolé STP. Comme ça je serai quitte de partir de sur la terre. Rendre le bonjour à tous les copains et les voisins d’alentour que je n’oublierai jamais je pense. Cher Étienne, Jeanne, Jeannie et la petite, je vous embrasse de loin avant de mourir ».

« Chère petite sœur Lita ; tu ne me reverras jamais plus sur terre ni dans ta petite chambre, mon lit sera toujours vide quand tu mettras les yeux dessus. Bons baisers chère Lita. Prosper qui ne t’oublie pas avant sa mort. Prosper ».

« Cher grand-père et mère sabotier, je ne pourrai plus avoir essayer une paire de sabots chez vous car suis fini sur la terre, rendre le bonjour à Fabert Marie, René, Annie, Fernand et Marie, Fabre Jean Albert et leur maman, ainsi qu’à Marie Faou comme voisin et Roger. Bon baiser à tous Prosper ».

« Ma chère famille maréchal, je vous fais voir que je suis condamné à mort par le tribunal allemand à Pont-l’Abbé le 23 juin, il faut avertir ma marraine et les autres qui ne sont pas à Lesconil. Bons baisers à Maurice, Marie, Irène, Francis, Lili, Rose, Lucienne, Mimi, Louise et sa petite fille et à jacques. Bon baiser Prosper qui ne vous oubliera pas avant de mourir. Prosper ».

Deuxième page
« Cher père et mère, je vous écris ces derniers mots pour vous faire prendre du courage malgré que vous ne me reverrez jamais plus. Donnez mes habits à le plus mal aisé de la famille. Rendre le bonjour à Christiane, Aline [illisible], il ne faut plus se déranger pour moi à Pont-l’Abbé car c’est fini pour nous, la mort approche ; pour rejoindre mes copains et mon cousin ! ».

« Je suis condamné à mort en même temps que :
Albert Larzul
Étienne Cariou
Primot Armand
Corentin Divanach
Julien Faou ».

Sur le côté gauche
« Adieu ma petite sœur Lita à Prosper ».

Sur le côté droit
« Bonjour aussi à monsieur l’abbé Prosper à l’école et au petit Denis. Prosper ».
« Ma grand-mère Quéméner m’a toujours dit que je serais mort avant elle mais je vais bien
oui. Rendre le bonjour à monsieur et madame Garriec François ainsi qu’à leurs enfants ? Je pense que vous aurez toujours du beurre avec ces braves gens (Bon baiser papa maman Lita).
Je vais fermer les yeux pour ne plus vous revoir (Prosper Quéméner).
Lita, tu trouveras l’adresse des parents de Raphaël [illisible] sur la cheminée dans ta chambre et écris-leur une lettre de la part.

Je défends de faire une messe religieuse sur mon propre nom.

Prosper Quéméner qui vous embrasse pour la dernière fois, bons baisers à tous pour la dernière fois, Prosper Quéméner ».


et ci-dessous un article de Ouest France

Ange TRÉBERN

TREBERN Ange

TREBERN_Ange

Né en 1925, fusillé le 15 juin 1944 dans les dunes de La Torche en Plomeur, commune de Penmarch ; FTPF de Lesconil (Finistère).

Ange Trebern a été fusillé à 19 ans parmi neuf FTPF de Lesconil le 15 juin 1944.

Son nom figure sur la stèle commémorative de La Torche et au cimetière de Lesconil.

plaque au cimetière de Lesconil, carré des fusillés

SOURCES : Gen-Web. — Cimetière de Lesconil.

2007-2015 © Copyright Maitron/Editions de l’Atelier – Tous droits réservés || Maitron – 9, rue Malher – 75004 Paris

Note de J. K. Pour connaître les circonstances précises de leur arrestation de leur jugement et de leur exécution, se référer à L’article « SAINT-GABRIEL SOUS L’OCCUPATION » qui figure également dans notre site. , ainsi que le cas échéant, tous ceux concernant Lesconil en juin 1944.

L’Occupation, les rafles, les exécutions, par Alain Le Grand

Saint-Gabriel sous l’Occupation
Les rafles de Plomeur, Plobannalec et l’Ile-Tudy.
Les exécutions de la Torche

Par Alain Le Grand « Le Finistère dans la Guerre –1939.1945 ». G.M.Thomas et A.Le Grand (Editions de la Cité, Brest)

L’ECOLE SAINT-GABRIEL.

Sise en la ville de Pont-l’ Abbé, Saint-Gab…, comme on l’appelle familièrement, est une école chrétienne tenue par les Frères enseignants de Saint-Gabriel.

La maison porte sur sa façade l’année de sa construction : 1899. C’est plus précisément un ensemble constitué par un bâtiment central de deux étages avec un comble mansardé, complété par deux ailes en prolongement. Telle se présentait l’école Saint-Gabriel en 1939.

Les classes, les ateliers (Saint-Gab… est aussi une école technique) se trouvaient au rez-de-chaussée, les bureaux et les dortoirs aux étages . On y fait des agrandissements, mais l’aspect général de l’école reste le même, en face , dans la cour, se voit la chapelle avec son porche.

Les Allemands occupèrent Saint-Gabriel le 3 juillet 1940, vers les 2 heures du matin. Les premiers arrivants appartenaient à une section de cyclistes. Une Ortskommandantur s’y installa également dans le bâtiment central.

Le Directeur, M. Button, se réfugia dans le salon, puis à la conciergerie. A la rentrée scolaire d’octobre 1940, il fut remplacé par M. Le Bot, originaire de Plozévet. L’école, qui comptait quatre cent cinquante élèves à l’époque, fut transférée au patronage de la Jeanne d’Arc et dans l’ancien patronage où l’on aménagea des classes. Les professeurs et les pensionnaires logèrent dans la salle de danse Kerloc’h, rue Louis-Pasteur, et dans les bâtiments de l’ancienne biscuiterie des «Filets Bleus ». Ils dormaient sous les toits tapissés de papier-carton.

Les Allemands avaient laissé aux Frères la disposition du réfectoire de Saint-Gabriel. On pouvait voir les élèves et leurs professeurs franchir l’un des trois portails de la « caserne » à l’heure du déjeuner et du dîner.

Caserne et Kommandantur, l’école Saint-Gabriel ne connut la période tragique de son histoire qu’à la fin de l’Occupation.

1944

Les Alliés avaient débarqué sur les plages normandes. Le Frère René Joncour note sur le cahier d’écolier qui est son journal personnel :

« 7 juin – Un groupe d’Allemands quitte Saint-Gabriel avec des charrettes réquisitionnées. » Il ajoute : « La Gestapo travaille. »

Les Allemands recherchaient en effet le Docteur Jaouen. Ils l’avaient pratiquement sous la main puisqu’il se cachait dans une maison annexe de l’école. Le Frère Joncour, le seul qui sût conduire la camionnette à gazogène de l’établissement, l’emmena vers un nouvel asile, le presbytère de Plonéis.

Ce professeur aida également, avec l’autorisation de ses supérieurs, la famille d’un notaire menacée d’arrestation à quitter la ville de Pont-l’ Abbé.

Le 8 juin, le Frère Joncour écrit :

« Le dernier groupe d’Allemands quitte Saint-Gab… Il est remplacé par des Russes blancs… peu intéressants. »

Ils appartenaient aux 3e et 4e Compagnies du 800e Bataillon de Caucasiens, placées sous les ordres du Capitaine Schuttenhelm qui avait son PC à Plomeur .

La 1re Compagnie, cantonnée à Saint-Gabriel, était commandée par le Lieutenant Panzer qui remplissait en outre les fonctions de Ortskommandant. Il avait comme adjoint l’adjudant Schmidt.

Mais déjà la première manifestation hardie de révolte contre l’oppresseur s’était déroulée à quelques kilomètres de la capitale bigoudène. C’était le commencement du drame.

ARRESTATION DU MAIRE DE PLOMEUR.

Le 6 juin, vers les 21 heures, Louis Méhu, maire de Plomeur, avait reçu la visite de deux soldats de l’armée allemande, d’origine russe, chargés d’apposer des affiches. Ceux-ci exigèrent qu’on leur procurât de la colle et qu’on désignât un employé municipal pour les assister dans leur mission. Le maire les invita à le suivre à la mairie où il leur fournit la matière demandée. Puis il prévint son secrétaire de mairie, Isidore Le Garo, d’accompagner les soldats.

En cours de route, Louis Méhu avait rencontré l’une de ses administrées à qui il avait fait part de ses appréhensions : la situation s’aggravait, les Allemands apposaient des affiches proclamant l’état de siège. Tandis que le maire regagnait son domicile, la ferme de Pratouar, son interlocutrice s’arrangeait pour prévenir le groupe de Résistants F.T.P. de Plobannalec-Lesconil.

Un peu avant minuit, on cogne de nouveau à la porte du maire. Cette fois, ce sont trois F.T.P., qui l’informent que les Résistants (ceux de Lesconil, assistés par éléments de Treffiagat, Guilvinec…) contrôlent le bourg de Plomeur.

Louis MÉHU, revenant avec eux au bourg, voit auprès de la mairie les deux soldats colleurs d’affiches désarmés et gardés à vue par une dizaine de Résistants. Il prend quelques dispositions et s’en retourne à sa ferme, très inquiet, au dire de son épouse, de la suite que pourrait comporter ce coup de main.

« Le maire est avec nous » , auraient dit les Résitants à leurs camarades. Les prisonniers avaient probablement entendu ces paroles.

Deux soldats, d’origine allemande, sont encore kidnappés par la Résistance alors qu’ils traversent le bourg.

C’est ici qu’intervient le dénommé PlKING, lieutenant, adjoint au capitaine SCHUTTENHELM, chef du détachement de Russes mercenaires qui cantonne au village de Beuzec-Cap-Caval en Plomeur, où il est arrivé quelques semaines auparavant

PIKING s’est présenté au café KERVÉVANT pour y réquisitionner une chambre. Entré avec son cheval dans la maison, il a, au comptoir , commandé une bolée de cidre pour la donner à boire à la bête. Puis on l’a vu promener son arrogance sur son inséparable cheval blanc et les gens l’ ont surnommé « Paotr ar marc’h gwen » (l’homme au cheval blanc).

Mis au courant de la disparition de ses soldats et de la lacération des quelques affiches apposées à Plomeur, PIKING surgit devant le maire et lui intime l’ordre de le suivre à la mairie, et le met en état d’arrestation.

Au reste, le général DUVERT, commandant la division, a donné l’ordre de rechercher les soldats disparus par « tous les moyens disponibles ». Le capitaine SCHUlTENHELM est chargé de cette opération, en liaison avec le Geheime Feldpolizei (prévôté) représentée par les dénommés JORDAN et PFALHER, interrogateurs, et deux feldgendarmen (1).

Rafle à Plomeur.

Le 7 juin, aux environs de l4 heures, les Allemands font une rafle à Plomeur. Une vingtaine d’hommes, surpris dans leurs occupations journalières, sont appréhendés et contraints de s’aligner devant le presbytère, au bourg.

On prétend qu’ils auraient été fusillés sans l’intervention des gendarmes de la brigade de Guilvinec. Ils ont donc la vie sauve, mais sept d’entre eux : René LARNICOL, Laurent LE BEC, Pierre LE BLÉIS, cultivateurs, Antoine CHARLOT, marin-pêcheur, Georges GOYAT, forgeron, Louis TOULEMONT, boulanger, et François MOULIN, instituteur, sont retenus comme otages et emmenés, ainsi que le maire de Plomeur, à Beuzec-Cap-Caval où les Allemands les enferment dans une écurie dépendant de la petite ferme de Vengam.

Le propriétaire des lieux, Henri POULLÉLAOUEN, cherchera plusieurs fois à communiquer avec les captifs, mais une sentinelle veille continuellement devant la porte du local.

Extraits de leur « prison » on les conduit au bureau de PIKING. Au retour d’un interrogatoire, Mme MÉHU, qui attendait sur le bord du chemin, peut voir son mari. Le maire de Plomeur murmure en passant devant elle: « Ça ne va pas mieux. »

Du côté des Allemands, le but de cette première opération doit être atteint, s’il s’agit de créer parmi la population de la région un climat de crainte favorable à la poursuite de l’enquête.

En fait de résultats immédiats, ils n’ont découvert qu’un masque à gaz, jeté dans un champ et ayant appartenu à l’un des soldats emmenés par la Résistance. Mais ils ont appris « par des civils » que les disparus « se trouvaient cachés près de la chapelle » (2).

Les Résistants se sont en effet, peu après leur coup de main, repliés sur Plobannalec où ils gardent leurs prisonniers dans le presbytère de l’ancienne paroisse de Plonivel, vieille maison inhabitée propriété de la famille BONNOURE.

Trois F.T.P. parmi les plus âgés interviennent auprès de leurs camarades de Plonivel pour leur représenter la menace qui pèse sur les otages de Plomeur tant que l’ennemi ne connaîtra pas le sort des disparus.

Arrestations.

Cependant, aucune décision n’a été prise au moment où les Allemands s’apprêtent à frapper un grand coup à Plobannalec.

Le 8 juin dans la matinée, le lieutenant PANZER vient à Plobannalec. Il rencontre Willi BARTEL, chef de la « Gast » (poste de douane), et lui annonce qu’une action va avoir lieu le lendemain, dirigée contre les « terroristes ». Il attend de la « Gast » qu’elle travaille en coopération avec la troupe et veille à ce qu’aucun bateau ne quitte le port. Il précise que le dénommé Otto KNUTTEL, assistant auxiliaire des Douanes (inscrit au Parti national-socialiste depuis 1938 et qui sert plus ou moins d’indicateur à la police allemande), doit être prêt à remplir les fonctions d’interprète pour les interrogatoires (3).

Le 9 juin, à l’aube, la troupe encercle les fermes de Brézéan, où une partie des Résistants s’est établie. Elle capture ainsi: Corentin LE BÉCHENNEC, Georges DONNART, Corentin DURAND, Lucien DRÉAU marins-pêcheurs, Louis LARNICOL, instituteur public, Joseph TRÉBERN, marin-pêcheur, et Emile STÉPHAN, hôtelier. L’un d’eux avait sur lui un petit fanion et quelques cartouches. Il déclara les avoir trouvés (4). I1s sont incarcérés à la « caserne » Saint-Gabriel transformée en prison.

Le matin de ce même jour, les Allemands ont procédé à des « contrôles » au bourg de Plomeur, rempli de camions et de soldats. Julien DURAND dit « Joachim », mécanicien à Treffiagat, qui a fait un crochet par là pour se rendre à son lieu de travail, Pont-l’Abbé, Marcel GARREC, ouvrier à Plomeur, Jean BUANNIC, ouvrier pâtissier, et Yves QUEFFÉLEC de Penmarc’h, sont interpellés. I1s vont être relâchés quand un Allemand arrive, porteur de tracts de la Résistance : BUANNIC, du mouvement « Libération-Nord » s’en est débarrassés rapidement en les jetant dans les W.-C. de la maison SÉNÉCHAL

Les quatre hommes subissent un interrogatoire au cours duquel ils sont très brutalement frappés. Les Allemands qui cherchent à se renseigner sur la personne de Georges LE NOURS, Résistant de Plomeur, s’acharnent plus spécialement sur Marcel GARREC. Puis on les embarque dans l’un des camions qui prend la direction de Pont-l’Abbé et ils se retrouvent à Saint-Gabriel. Arrêté et conduit aussi à Saint-Gabriel le secrétaire de mairie, Isidore LE GARO qui, avait dû, le 6 juin, suivre les deux soldats chargés d’apposer des affiches à Plomeur et faits prisonniers par les patriotes.

Rafle à Plobannalec.

Dans l’après-midi, aux alentours de 15 heures, plusieurs véhicules chargés de soldats arrivent à Plobannalec où les Allemands entreprennent immédiatement de cerner le presbytère de Plonivel.

Il y a seulement quelques minutes que le groupe de F.T.P. de Plonivel a regagné le «maquis ». La nuit précédente, vers les 2 heures du matin, la garde des prisonniers a été confiée à Pierre COSSEC, dit « Pierrot », marin-pêcheur, et au jeune Yves BIGER, âgé de 16 ans. Un autre Résistant, Jean-Marie CADIOU, les a rejoints.

Les soldats enfermés dans l’ancienne maison du curé, les deux hommes et leur jeune camarade ont entrepris dans la matinée, selon les instructions reçues de creuser, une fosse derrière un talus, à cinquante mètres environ du vieux presbytère, dans laquelle doivent être enterrés les prisonniers, car il est question de les faire disparaître éventuellement.

Les Résistants auraient-ils exécuté leur dessein ? C’est possible tant était grande, à l’époque, la haine à l’égard des Allemands, « assassins de patriotes ». Mais les prisonniers ne mourront pas. Ils pourront témoigner contre leurs gardiens.

Les soldats en s’approchant de l’ancienne demeure paroissiale essuient des coups de feu. Une balle traverse la casquette du lieutenant PANZER (5) qui dirige l’opération. Mais les F.T.P. de Plobannalec n’ont, en tout et pour tout, qu’une mitraillette et deux revolvers. Ils doivent capituler immédiatement.

Un Résistant tente de fuir. C’est Antoine VOLANT abattu au lieu-dit « Kervéol ». Son frère Yves mortellement blessé meurt peu après son transfert à Pont-l’Abbé. Il a essayé lui aussi de s’échapper en traversant l’anse du Stéir. Quant aux autres patriotes, pris dans l’ancien presbytère, ce sont Pierre DANIEL, Pierre QUÉMÉNEUR et Ange TRÉBERN.

Les deux Allemands et leurs deux compagnons caucasiens recouvrent la liberté, et avant de quitter les lieux, ils incendient le nid de « terroristes », le vieux presbytère de Plonivel.

Quant à Pierre COSSEC, Jean-Marie CADIOU, marins-pêcheurs et Yves BIGER étudiant, occupés au creusement d’une fosse au début de l’intervention des Allemands, ils voient un groupe de huit soldats armés passer très près d’eux. Yves BIGER, qui veut se rapprocher du presbytère malgré les injonctions de ses compagnons est capturé.

Pierre COSSEC et Jean-Marie CADIOU décident de fuir dans des directions différentes. Jean-Marie CADIOU est pris.

Ce même jour les Allemands ont encore arrêté plusieurs personnes de la commune: Sébastien BARGAIN, Thomas CASTRIC, marins-pêcheurs, Ernest LE DONCHE, coiffeur, Lucien DURAND, marin-pêcheur, François LE BEC, hôtelier, Yves LE BRUN, Alphonse et Louis PRIMOT, marins-pêcheurs, Nicolas STÉPHAN et son fils Pierre, hôteliers.

Et le frère JONCOUR, professeur à Saint-Gabriel, note dans son journal :

« 9 juin – Rafle à Lesconil – Une quinzaine d’hommes de pris Tout le monde doit rentrer à 21 heures. – Patrouilles – Panique un peu partout.

« 10 juin – Défense de circuler à vélo et en voiture à partir de midi et tout le monde doit être rentré à 19 heures. »

Aux environs de cette date, le maire de Plomeur est amené de Vengam Beuzec-Cap-Caval à la « prison » Saint-Gabriel. M. René JONCOUR, témoin de son arrivée par la rue des Cloutiers, voit encore Louis MÉHU dans un chariot hippomobile, assis entre deux soldats, vis-à-vis, tenant leur fusil entre les jambes.

Condamnés à mort ou à la déportation.

Autre événement plus dramatique encore de cette journée: à Saint-Gabriel, neuf patriotes s’entendent condamner à la peine de mort par le Tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur, siégeant sous la présidence du général DUVERT, commandant la 265e division, dans la salle « Saint-Louis » dont les murs sont tendus de draperies rouges pour la circonstance. Il s’agit de : Corentin LE BÉCHENNEC, Corentin DURAND, Georges DONNART, Joseph TRÉBERN, arrêtés la veille à Brézean, Plobannalec, Yves BIGER, Jean-Marie CADIOU, Pierre DANIEL, Pierre QUÉMÉNEUR, Ange TRÉBERN, pris à Plonivel.

Le 12 juin, au matin, les Allemands font une nouvelle rafle à Plobannalec-Lesconil appréhendant toutes les personnes du sexe masculin dans la rue ou chez elles, et dirigées sur l’usine Maingourd, casernement de la «Gast».

« Les Français rassemblés dans la cour sont triés », puis conduits au bureau « selon les indications portées sur une liste possédées par JORDAN et PFALHER (de la Geheime Feldpolizeï). Classés soit dans un groupe de droite, soit dans un groupe de gauche. . . Le groupe de gauche comprenait les Français contre qui aucune charge n’avait été retenue… » (6)

Les Allemands identifient six Résistants et les mettent en état d’arrestation : Etienne CARIOU, Corentin DIVANACH, Julien FAOU, Albert LARZUL, Armand PRIMOT, Prosper QUÉMÉNER. ils les emmènent à Saint-Gabriel, de même que Jean COIC, étudiant, Daniel GENTRIC, Pierre LE MOIGNE, Sébastien NÉDÉLEC et d’autres habitants encore de la commune: Antoine BARGAIN, Nicolas BUANIC, Louis CADIOU, Mathieu COSSEC, marins-pêcheurs, Marcel GARREC, mécanicien, Emile et Marcel QUEFFÉLEC, marins-pêcheurs.

Onze jeunes gens prennent le chemin des camps de travail en Allemagne : Théodore BIGER décédé peu après son retour, Gabriel FAOU, Sébastien CAP, René DURAND, Gaston LUCAS, Jean KERHOM, Louis COSSEC, Louis LE PAPE, Jean PÉRÈS, Laurent LARZUL, tous marins-pêcheurs, Georges DACHY, réfugié du Nord.

Sébastien COSSEC marin-pêcheur, déjà détenu depuis plusieurs mois à la prison Saint-Charles à Quimper, soupçonné d’appartenir au groupe de F.T.P. de Lesconil, est ramené à Saint-Gabriel.

Nouvelles arrestations.

Les Allemands étendent la rafle à d’autres communes du canton.

A Léchiagat en Tréffiagat, ils arrêtent des jeunes gens : Xavier CRÉDOU, Henri DURAND, Jean GERME, Xavier DRÉZEN, Pierre GOARIN, Jean PENHOAT, Lucien POCHAT, marins-pêcheurs, Laurent LE CLÉACH, ouvrier, Ambroise PICHON, cultivateur, tous emmenés en Allemagne, au titre du Service du Travail Obligatoire, et Ernest MANDELBAUM, israélite d’origine roumaine, garçon de café, Albert POCHAT, Pierre TANNEAU, marins-pêcheurs, Résistants déportés dans des camps de concentration.

A Guilvinec également, il y a eu des arrestations lors de la rafle générale : Auguste BIGER, Pierre COIC, Georges LE FLOC’H marins-pêcheurs , des jeunes gens envoyés en Allemagne dans des camps de travail . Georges LE FLOC’H s’évade en sautant du train.

A Pont-l’Abbé, des Résistants tombent aux mains des Allemands: Jean PERRU, restaurateur à Loctudy, Résistant du mouvement « Libération-Nord », recherché par l’occupant, Pierre COÏC et Aimé FIRMIN, jeune réfractaire du S. T.O.

A ce moment-là, une cinquantaine de prisonniers, occupent principalement deux anciens dortoirs des élèves, l’un « Saint-Louis », déjà cité, l’autre « Saint-Stanislas », situés respectivement au premier et au deuxième étages du bâtiment central. Ces salles contiennent en temps ordinaire une vingtaine de lits.

Julien DURAND, dit « Joachim », arrêté à Plomeur comme on le sait, nous donnera des détails sur son arrivée et sur son séjour à Saint-Gabriel :« Ligotés à l’aide d’une corde ou d’un câble électrique qui nous serrait les bras à la hauteur des biceps, les mains derrière le dos, les poignets liés par une cordelette ou un fil de fer, nous fûmes poussés (avec ses camarades de Plomeur), dans une ancienne salle de classe, parmi d’autres détenus. Nous apprîmes qu’ils venaient de Lesconil.

« De temps à autre, des officiers accompagnés d’un soldat que nous sûmes être l’un de ceux qui avaient été faits prisonniers par les patriotes, venaient nous interroger. Le soldat, qui reconnaissait certains de ces Résistants, disait lorsqu’on lui désignait un détenu: « Nicht terroriste » ou « terrorist », et les coups pleuvaient sur les malheureux. Ils saignaient abondamment de partout, poursuit Julien DURAND. J’ai souvent pensé depuis qu’ils n’auraient pas survécu à leurs blessures. »

« C’était l’été. Nous n’avions rien d’autre sur le dos qu’une chemisette. Les liens qui nous serraient les bras nous entraient dans la chair, provoquant parfois des cloques. C’était le cas de Marcel GARREC.

« Nous restâmes de longues heures debout. Quand l’un d’entre nous, épuisé, s’écroulait sur le plancher, les soldats l’obligeaient à se relever à coups de crosse.

« Mes compagnons et moi, classés « Nicht Terroristen », fûmes, enfin conduits dans une autre salle où nous trouvâmes d’autres internés, otages de Lesconil. Nous dormions sur la paille et nous avions le droit à un maigre repas par jour. ».

Le 13 juin, les Allemands, considérant probablement qu’ils ont arrêté les principaux auteurs du coup de main sur Plomeur, relâchent les sept otages détenus à la ferme de Vengam, au village de Beuzec-Cap-Caval.

Toujours à l’affût de ce qui se passe à Saint-Gabriel, le frère JONCOUR écrit dans son journal « Monsieur le Directeur (M. LE BOT) fait parvenir à quelques prisonniers des colis apportés par leurs familles », grâce à un adjudant allemand qui accepta de les leur remettre.

M. JONCOUR vit encore son directeur, installé à une fenêtre, lancer des cigarettes à des gens enfermés dans le dortoir « Saint-Corentin » situé au premier étage de l’aile est, dont les cas apparaissent moins graves, en regard de la loi de l’Occupant, que ceux des détenus des autres salles.

Puis il note: « On fait courir le bruit que deux prisonniers auraient été tués… »

Mort de deux patriotes.

Bruit fondé. Dans la nuit du 10 au 11 juin ,semble-t-il, c’est-à-dire deux jours après son arrivée à la « prison », Louis LARNICOL, né le 18 octobre 1909 à Plobannalec, instituteur public en fonction dans le Morbihan, mais réfugié chez son oncle à Lesconil, et au nombre des F.T.P. arrêtés à Brézéan, est massacré par les Allemands. Il a eu, dit-on, un geste de rébellion contre ses geôliers.

Des prisonniers ont entendu du bruit provenant d’une pièce au deuxième étage de la maison, puis un cri.

Quant au maire de Plomeur, on l’exécute probablement le lendemain, 12 juin. Deux jours après, alors que les professeurs de Saint-Gabriel viennent d’être requis, eux aussi, par les Allemands pour faire des travaux de terrassement, M. JONCOUR a confirmation de la triste nouvelle de la mort de Louis MÉHU :

« On apprend, écrit-il, que le maire de Plomeur a été fusillé dans un dortoir . » Cette exécution dans une chambre ressemble bien à un assassinat. Après la Libération, on relèvera des traces de balles dans le mur du dortoir « Saint-Stanislas » et l’on verra longtemps, à l’entrée de ladite salle, une tache sombre dans le parquet imprégné du sang de la victime.

Ainsi est mort un brave homme: Louis MÉHU, né le 17 février 1884 à Saint-Jean-Trolimon. Il n’appartenait pas à la Résistance, mais il remplissait ses fonctions de maire au mieux de ce qu’il pensait être les intérêts de la commune et de ses administrés, dans les conditions difficiles que l’on sait, c’est-à-dire en butte aux exigences de l’Occupant et de l’Administration de Vichy.

D’ailleurs, ce ne pouvait être qu’un homme bon et un pacifiste que ce maire de Plomeur qui composa au front, le 21 avril 1916, cette chanson, sur l’air de « Caroline », dédiée à son épouse, Marie-Louise LE CORRE : « car maudite soit la guerre… »

Les exécutions de la Torche.

Le 15 juin, les neuf patriotes condamnés à mort sont passés par les armes sur la dune de la Torche en Plomeur.

Au soir d’une journée de printemps, ces marins de Lesconil ont l’ultime vision de la palud de Tronoën et de la mer qui roule ses galets de la baie d’Audierne.

Les 15 et jours suivants, une trentaine de prisonniers quittent Saint-Gabriel. Pour les uns, c’est la liberté ; pour les autres, par exemple Maurice STÉPHAN dont nous reparlerons, c’est le centre d’hébergement en vue du Travail Obligatoire en Allemagne. Quelques-uns en réchapperont grâce à des complicités diverses.

Pour d’autres encore, c’est la prison Saint-Charles à Kerfeunteun-Quimper : Sébastien COSSEC et Pierre LE MOIGNE (hospitalisés par la suite), Jean PERRU (de Loctudy), Emile et Marcel QUEFFÉLEC, Louis VOLANT, délivrés les uns le 4 août, les autres le 8 ; Jean COÏC, Lucien DRÉAU, Daniel GENTRIC, Sébastien NÉDÉLEC, Emile STÉPHAN, transférés plus tard à Fresnes et libérés le 18 août à Paris lors d’un échange de prisonniers avec les Allemands, réalisé par l’intermédiaire de la Croix-Rouge française; Antoine BUANIC (de Plobannalec), Ernest MANDELBAUM, Albert POCHAT et Pierre TANNEAU (de Treffiagat), Isidore LE GARO (de Plomeur), envoyés au camp de concentration et morts à Buchenwald (BUANIC et POCHAT), Auschwitz (MANDELBAUM) et Neuengamme (TANNEAU et LE GARO).

Antoine BUANIC et Maurice STÉPHAN arrêtés le 19 juin à Lesconil, appartenaient à l’équipage du bateau de pêche « Virginie-Hériot » qui relâchait au Croisic au moment des grandes rafles de Plobannalec. La « Gast » attendait leur retour car leurs noms figuraient sur la liste des Résistants que la Geheime Feldpolizei avait établi. L’assistant auxiliaire Otto KNUTTEL, chanteur dans le civil à Francfort-sur-le-Mein, avait été chargé de les amener à Saint-Gabriel.

La série des arrestations, à peine close dans l’affaire de Plomeur-Plobannalec, les Allemands sont appelés à opérer sur un autre point du canton.

Une escarmouche a eu lieu à Combrit, près du village de Corroac’h entre un petit détachement et un groupe de Résistants F. T.P ( Francs-Tireurs et Partisans).

Le 18 juin, les Allemands déclenchent une rafle dans la commune, appréhendent plusieurs jeunes gens, et ne retiennent cependant qu’un seul: Louis GARIN, réfractaire au S. T.O. qui, de la « prison » Saint-Gabriel, est dirigé sur l’Allemagne où il mourra.

A l’Ile- Tudy.

Le 19 juin, une patrouille surprend trois Résistants du groupe « Libération-Nord » de l’lle-Tudy : François COUPA, Jean DENIC et Maurice VOLANT, marins-pêcheurs.

Le lendemain, vers les 8 heures du matin, les Allemands font une rafle à l’Ile-Tudy. Ils mettent en arrestation douze autres Résistants, du même groupe. dont ils ont les noms : Grégoire COUPA, Eugène CRATÈS, Georges et Pierre GOASDOUÉ, Aimé GUÉGUEN, François GUINVARCH, Gilbert LE BRIS et Marcel PERRIN, tous marins-pêcheurs; Joseph CLUYOU, Pierre DIQUÉLOU, Edgar et Jean GUINVARCH, seconds-maîtres de la Marine nationale en «congé d’armistice ».

Conduits à Saint-Gabriel, ceux-ci y restent deux jours avant d’être transférés à la prison Saint-Charles, où ils sont martyrisés, plus particulièrement Eugène CRATÈS et Edgar-Félix GUINVARCH, chef du groupe. Puis ils connaissent l’emprisonnement à Fresnes avant d’être déportés à Dora et Buchenwald. Treize d’entre eux (sur quinze) sont morts dans ces camps de concentration. Un seul rescapé : Pierre GOASDOUÉ, dit « Pierrot ».
A Plomeur, Mme MÉHU, épouse du défunt maire, a encore reçu la visite du lieutenant PIKlNG et de ses soldats. Ils ont perquisitionné sa ferme pendant qu’on l’obligeait à rester « le dos au mur » sous la menace d’être fusillée et de voir sa maison sauter. Une caisse de fer contenant de la dynamite, oubliée par les soldats, restera là, se désagrégeant et rappelant, pendant plus de vingt ans, ces pénibles moments.

Le 19 juin, Mme MÉHU apprend officiellement l’exécution de son mari, par deux gradés allemands qui précisent que le corps du maire de Plomeur « reposera en terre bénite » au cimetière de Pouldreuzic et que le recteur de la paroisse sera autorisé « à dire les prières » On l’autorise, ainsi que quelques parents proches, à assister aux obsèques fixées au lendemain.

On se posera la question de savoir si les Allemands n’ont pas eu l’intention, entre le 12 et le 19 juin, de faire disparaître le corps du maire de Plomeur, car les restes de Louis LARNICOL, l’instituteur massacré à la « prison » Saint-Gabriel, ne seront pas retrouvés malgré les fouilles faites par les habitants de Lesconil après la Libération.

Nouvelles exécutions à la Torche.

Le 22 juin, six autres patriotes de Lesconil, arrêtés dans la rafle du 12 juin, sont condamnés à mort par le Tribunal militaire de la Feldkommandantur. Debout sous le porche de la chapelle, les parents ou amis des Résistants ont parfois, la chance, bien triste, d’apercevoir leurs prisonniers aux fenêtres d’en face.

Le jugement est exécuté le 23 juin 1944, à 22 h 20 pour Etienne CARIOU, Corentin DIVANACH et Julien FAOU, à 22 h 28 pour Albert LARZUL, Armand PRIMOT et Prosper QUÉMÉNER (7).
Ainsi les jeunes, âgés de dix-neuf à vingt-deux ans, voient probablement tomber leurs aînés, âgés de trente-neuf à quarante-deux ans.

On les enterre dans le sable de la dune, « à 1 ,500 km au nord de la pointe de la Torche et à une vingtaine de mètres de la plus haute mer », comme leurs camarades fusillés huit jours auparavant. Le monument qui perpétuera le souvenir de ces patriotes, érigé à l’emplacement de leurs premières sépultures ou fosses, au nombre de quatre, devra être reculé d’environ 300 mètres à cause de l’érosion marine.

Lors de l’exhumation des suppliciés, on constatera que les corps portaient des liens en fil de fer ou en corde autour des coudes et des poignets ; l’un d’eux est attaché aux chevilles (8). Le corps de Louis MÉHU, exhumé à Pouldreuzic, avait aussi des liens aux chevilles.

Les Allemands savaient-ils que les aînés, Etienne CARIOU, Corentin DIVANACH et Julien FAOU avaient fait la démarche dont nous avons parlé auprès de leurs jeunes camarades du « Maquis » de Plonivel en vue d’obtenir la libération des quatre soldats prisonniers, ce afin d’éviter les représailles ? (9)

De toute manière, la répression devait être inexorable, acharnée. Au-delà des auteurs d’actes de résistance, c’est toute la Résistance que les Allemands poursuivaient pour essayer de l’étouffer en faisant des exemples.

Trente-sept victimes (17 fusillés et massacrés auxquels viennent s’ajouter 20 jeunes hommes décédés en déportation), c’était payer bien cher les actes de résistance commis dans le canton, notamment l’enlèvement de quatre soldats, qui eurent la chance, malgré tout de conserver leur vie.

Quelques semaines plus tard, au début du mois d’août 1944, quand survient la débâcle, les Allemands et les Russes mercenaires n’essaient pas de s’accrocher là où ils ont assez fait pour craindre d’y être faits prisonniers. Ils déguerpissent. Les uns prennent la direction de la presqu’île de Crozon, les autres celle de Lorient.

Dans la nuit du 4 août, vers 1 h 30 du matin, les quatre artificiers chargés de faire sauter les dépôts de munitions s’en vont avant d’avoir fini leur travail. Ils quittent Saint-Gabriel en y laissant toutes les lampes allumées.

Le 5 août, on hisse le drapeau tricolore sur l’école. La Résistance occupe la maison. Des officiers allemands reviennent armés jusqu’aux dents. Ils ont probablement oublié quelque chose. On déconseille aux patriotes d’intervenir. Les indésirables s’en retournent aussi vite qu’ils sont venus.

Le 6 août, les F.F.I. défilent à Pont-l’Abbé en chantant « La Marseillaise ».

Deux mois dans une cache.

Pierre COSSEC, seul rescapé du vieux presbytère de Plonivel, a franchi un talus, atterri dans une cressonnière, puis il a couru sur des kilomètres. Après un long détour, il a pris le bac qui traverse le Stéir et hâté le pas jusque chez son oncle où il sait trouver une cache.

Sous la maison existe en effet un espace d’aération entre le parquet et le sol, haut de soixante centimètres à peine. Pierre COSSEC s’y blottit. Son frère Jacques et un homonyme, Pierre-Marie COSSEC qui craignent l’arrestation, le rejoignent vers 19 heures. Pierre TRÉBERN, dont le frère a été fusillé, rallie le groupe, mais le quittera au bout de huit jours.

Les autres vont rester là cinquante-sept jours dans l’obscurité, sans pouvoir se mettre debout. Ils ne sortiront que deux fois, la nuit, quelques minutes pour se laver.

Les Allemands sont là cantonnant à quelques centaines de mètres perquisitionnant partout. Le bruit des bottes, les diverses rumeurs leur parviennent. Ils savent qu’à la pointe de la Torche, dans le sable des dunes, dorment les corps de leurs camarades F.T.P. que l’Occupant a fusillés.

Ils connaissent leur sort s’ils sont découverts. Otto KNUTTEL et ses hommes ont établi une surveillance. La nuit, une mitrailleuse est braquée en direction de la maison de Jacques LE LAY, autre Résistant qui a échappé à la rafle. Les Allemands attendront vainement son retour .

La belle-soeur de Pierre COSSEC ou son épouse, passe aux reclus leur nourriture par une ouverture étroite dissimulée par un poulailler. Il faut tenir. Juin s’écoule, puis juillet…

Le 5 août retentissent des explosions. L’Occupant fait retraite et détruit stocks et matériel. Fin d’un calvaire mais non de la lutte pour Pierre COSSEC et ses deux camarades.

Après près de deux mois donc passés dans la cache, ils peuvent rejoindre les F.T.P. près de l’étang de Corroac’h en Combrit. Leur forme physique n’est pas brillante, mais ils participent aux combats dans la région, puis dans la presqu’île de Crozon et dans la poche de Lorient…

Sur la libération du canton de Pont-l’Abbé.

« Le 2 août 44, les Allemands entreposent munitions, bagages et fruits de leurs pillages dans un train formé à Pont-l’Abbé.

« Le 3 août, à Loctudy, ils détruisent les lanternes des phares et deux maisons bourrées de munitions.

« Le 4 août, ils évacuent Penmarc’h, après avoir détruit un radar , et trois camions réquisitionnés que leurs chauffeurs réussissent à saboter. . . Ils contraignent alors des paysans à les conduire à Quimper avec leurs charrettes.

« Heureusement, ils n’ont pas eu le temps de fixer les détonateurs des neuf mines devant faire sauter le phare d’Eckmühl ».

(Rapport de M. AUDlGOU, administrateur du quartier de Guilvinec, à la direction de l’Inscription maritime de Nantes).
Dans l’après-midi du 4 août, les Allemands font sauter en gare de Pont-L’Abbé une rame de wagons chargés de munitions de toutes sortes, après avoir fait évacuer le quartier.

Dans la nuit ,toute une série d’explosions dans toute la région bigoudène : Kerharvan , l’Ile Chevalier , et la plus violente, à Pichepoude, en Loctudy , qui anéantit plusieurs maisons.

La samedi 5 août, les FFI-FTPF récupèrent armes et munitions encore utilisables et font la chasse aux Allemands camouflés dans la campagne.

Le dimanche 6 août est vraiment le jour de la libération. Partout flottent les drapeaux français et alliés , tandis qu’aux boutonnières fleurissent les cocardes aux trois couleurs.

Le matin, le Comité local de Libération procède à l’installation d’une Commission (délégation) spéciale chargée de l’administration provisoire de la ville… L’après-midi a lieu le défilé des troupes de la Résistance sous le commandement du capitaine Alain BERNARD… et acclamées par une foule enthousiaste. . .

( « Le Télégramme » du 20 septembre 1944).

Les jeunes F.F.I.-F.T.PF., continueront le combat à Audierne et dans la presqu’île de Crozon.
(1) Déclaration du lieutenant Hans KIESCHKE, P.G.A ( prisonnier de guerre allemand) au camp 1101 à Rennes. entendu le 27 juin 1946 par M SEGOT, délégué régional adjoint au service de la recherche des crimes de guerre

(2) Déclaration de Hans KIESCHKE

(3) Déclaration de Otto KNUTTEL, P.G.A au camp 1101 à Rennes, entendu le 10 décembre 1945 par M. MORICÉ, délégué régional au service de la recherche des crimes de guerre

(4) Déclaration de Otto KNUTTEL

(5) Déclaration du lieutenant Hans KIESCHKE.

(6) Déclaration de Otto KNUTTEL

(7) Lettre de la Feldkommandantur au préfet, datée du 26 juin 1944 (Gericht der Feldkommandantur 752, St LI. 305144 GIN 17518)

(8) Procés-verbal d’exhumation en date du 8 août 1944

(9) Cf « Une page de l’histoire de Lesconil », plaquette dactylographiée par Charles CHALAMON, sénateur, président d’honneur du Conseil général de Seine-et-Marne

Autres sources

– Témoignages de Mme MÉHU. MM. René JAOUEN, Julien DURAND, Pierre COSSEC., recueillis vers 1967 par A. LE GRAND ;
A LE GRAND
Les Cahiers de L’Iroise, n° 2, 1967, « Le Pays Bigouden sous la botte »